Vous la connaissez l’histoire du musicien qui fait le tour des labels avec sa démo bancale enregistrée intégralement avec un SM58 et un ordinateur sans interface audio digne ? Evidemment, les labels n’ont jamais décelé le moindre talent bankable dans ce CD gravé à la maison. Dans un monde parallèle, ce musicien a continué d’envoyer des démos à des labels qui sont restés aussi sourds que muets. Dans ce monde-ci, ce musicien a décidé de continuer la musique, en étant le plus autosuffisant possible, sans attendre la décision d’autres pour savoir s’il pourrait faire ou pas ce qu’il voulait, en s’appropriant les moyens de production et les savoirs nécessaires à la réalisation de ses objectifs artistiques.
Je ne suis pas Karl Marx mais j’aurais pu le croire en me lisant écrire cette introduction.
(Oui, c’est moi le mec qui a fait le tour des labels avec sa démo bancale)
Vouloir rester indépendant n’est pas un mensonge qui permet de retourner la situation à son avantage, en sublime loser romantique et torturé, alors qu’on est en situation d’échec. Courir après une signature dans un label pour être libre artistiquement s’apparente à dilapider tout son RSA dans des grilles du Loto. Il n’existe pas qu’un seul bon chemin pour les musiciens qui veulent faire de la musique. Si votre objectif est d’intégrer un label pour avoir une carrière à la [entrer le nom d’un groupe très connu des années 80/90], sachez que d’autres ont un rapport plus terre-à-terre à leur musique et ont pour objectif de se créer une audience, ou de développer leur projet artistique sans forcément penser à devenir le nouveau Bruno Mars ou Gérard Avril. Ces artistes ne sont pas dans l’erreur, et sont même déjà en mouvement, sur leur propre route. En plus, chercher à exister en indépendant est à la fois une bonne expérience pour soi-même et pour les autres. Je suis même à deux doigts de dire que c’est bon pour la planète.
Et Dieu créa le musicien indépendant

The Queen Is Dead Records est un label indépendant pour artistes indépendants. On ne prend pas en charge tout le travail à leur place, les artistes peuvent alors être les entrepreneurs de leur propre musique. Les artistes accompagnés sont conseillés de manière à pouvoir rester indépendants et libres. Ou plutôt pour rester, être ou devenir capables d’atteindre librement tous leurs objectifs (même s’ils sont indépendants, c’est-à-dire sans label « tentaculaire »).
L’indépendance n’est pas forcément le but au départ, mais c’est la première réponse apportée à la solitude constatée au point de départ d’une route que l’on souhaite prendre. Sauf pour ceux qui sont bien nés et pour qui le chemin est déjà tout tracé car papa-maman ont du réseau, de l’argent, un pouvoir et donc des solutions qui précèdent l’expression d’un besoin. La question « comment vais-je faire ? » ne se pose alors jamais.
Pour les gens normaux, il faut initier un mouvement, se responsabiliser pour se transformer soi-même et devenir ensuite capable de produire quelque chose. Celui qui ne produit pas ce dont il a besoin sera un consommateur. On peut passer des heures sur Spotify (ou à la FNAC si on est un boomer) à la recherche de musique qui nous plairait, ou la faire (c’est plus rapide). Celui qui ne veut pas se transformer soi-même pour devenir compétent va passer par un prestataire de service, un intermédiaire qui va faire le job. Par chez moi, on dit qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est ce qu’elles disent toutes.
Aide-toi, le ciel t’aidera

Pour atteindre ses buts, un artiste peut cherche un label, un tourneur, un agent. S’il ne compte que sur des structures externes pour réaliser des actions de promotion, de démarchage pour des concerts, de communication sur les réseaux, son projet musical restera au point mort jusqu’à ce qu’il trouve une structure. En attendant de trouver de l’aide, l’artiste peut agir en indépendance, pour ne pas se placer dans une position de dépendance où il n’aura pas la main sur son sort. Même s’il existe des entités dédiées à certaines tâches, ne compter que sur elles et ne rien faire par soi-même est excessif. « C’est tout ou rien » donne comme option le « rien ». Mais il vaut mieux quelque chose que rien, non ?
En outre, croire qu’il faudrait passer par des structures « pour faire correctement les choses« , les faire en grand, peut créer des confusions entre les objectifs et les moyens pour les atteindre. Un label n’offrira pas forcément une liberté artistique qui serait impossible en tant qu’artiste indépendant, et n’assurera pas un succès économique ou un succès d’audience à tous les coups. Un label n’est pas l’esclave de ses musiciens. Il a une philosophie, des procédures, auxquelles il faut se plier, car dès lors qu’on est représenté par quelqu’un alors on perd la liberté totale : parfois sur sa manière de communiquer, parfois sur sa propre musique (j’espère que vous ne voulez pas rester propriétaires de vos masters).
Quel label vous fera signer un CDI ? Quel label vous fournira de l’argent illimité (« magique », comme dirait l’autre) pour que vous n’ayez qu’à vous soucier de la musique ? Le mécénat entre un label et un artiste est de la pure fiction : par le contrat qui rattache le label au musicien, ce dernier a des obligations à remplir, un peu comme un agent immobilier mais en pire. Le biais du survivant peut faire croire que le seul moyen d’exister musicalement est 1/ de devenir célèbre (et accessoirement riche) 2/ grâce à une maison de disque. Mais il y a bien plus de musiciens que de musiciens célèbres et riches passés par une maison de disque.
Ceux qui tapent dans l’œil des labels, ce ne sont pas les artistes qui ne veulent faire que de l’art ou qui n’ont pas réussi à percer (il y aurait peut-être un petit côté diva légèrement répulsif). Ce sont ceux qui ont déjà un fonctionnement d’indépendants, et des résultats en terme d’audience, et une dynamique propre. Quel intérêt pour les labels sinon un partenariat pour pouvoir eux aussi y gagner quelque chose ? Le mécénat entre un label et un artiste n’existe pas. L’ironie, c’est que croire l’inverse conduit à ne jamais intéresser le moindre label. Mais est-ce qu’un artiste a besoin d’un label après tout ? Ne pourrait-il pas tout faire tout seul ?
Chacun sa spécialité (?)

Transposons la question dans un autre secteur. J’aime les patates. J’achète des patates. Néanmoins (ou Voldemort), si j’étais mécontent de la qualité des patates que j’achète, ou si je les trouvais trop chères, ou si je n’en trouvais carrément plus en vente nulle part, je chercherais des solutions de mon côté, comme cultiver mes patates moi-même, car je ne conçois pas de me plaindre toute ma vie des patates que j’achète, ou n’achète pas, et je ne conçois pas de ne plus jamais consommer de patates de toute ma vie. Je veux manger des patates, et des bonnes. Je le veux plus que tout.
Ça ne m’intéresse pas de faire de l’agriculture, j’utilise déjà trop mon temps pour écrire des articles de blog au lieu de produire de la musique. Aujourd’hui, je peux ne pas faire de culture de patates, je peux cacher ma flemme derrière la phrase « Chacun sa spécialité » car je trouve des bonnes patates dans mon Franprix en face de chez moi. « Chacun sa spécialité » semble être le constat que chaque personne aurait un rôle assigné immuable, un don particulier et inimitable. Aujourd’hui, je ne ferais pas mieux que le fournisseur actuel qui me contente, mais je pourrais apprendre à devenir un cultivateur de patates. Au début, forcément, ça ne serait peut-être pas fabuleux. Mais avec du temps, je pourrais m’autocontenter.
« Chacun sa spécialité« , pourtant tout le monde est ignorant avant de devenir compétent, aucune compétence n’est innée. Trop se focaliser sur d’hypothétiques dons à la naissance fait écarter un peu rapidement l’impact de l’apprentissage, des conditions d’acquisition des compétences : comment quelqu’un de compétent a-t-il développé ses compétences ? Cette question est plus intéressante que l’illusoire constat (fainéant) « chacun sa spécialité » qui validerait le cloisonnement des compétences : une compétence par personne maximum, ou plus, selon l’inspiration de Dieu quand il s’est penché sur votre berceau, c’est ça ? « Chacun sa spécialité » condamne à croire en des limites que l’on suppose et valide par principe. Se penser incapable, c’est se rendre incapable.
La solution n’est pas forcément toujours fournie par les autres. Elle peut l’être, car il existe des gens plus compétents que soi qui travaillent des talents depuis longtemps et ont développé des capacités qui nous intéressent. Si on veut gagner du temps, il est plus efficace de faire appel à quelqu’un qui sait déjà faire, évidemment. Mais on peut apprendre à faire soi-même si on ne trouve personne pour le faire à notre place, plutôt que laisser mourir un projet. Une compétence peut être gagnée par n’importe qui, encore faut-il vouloir se transformer. Il faut aussi le pouvoir. Par quoi l’action commence-t-elle : vouloir pouvoir ou pouvoir vouloir ? J’ai résolu ce koan : comme d’habitude, la vérité est ailleurs (mais pas loin, juste dans le paragraphe ci-dessous).
La causalité n’est pas une cause alitée

Je sais que vous aimez les calembours.
Pour obtenir quelque chose des autres, on peut les payer. Pour obtenir quelque chose de soi-même, j’ai identifié 5 ressources fondamentales nécessaires et suffisantes pour toute sorte de réalisation. Il faut avoir :
1. L’IDÉE :
Sans l’idée de faire ou d’obtenir quelque chose, on ne peut même pas démarrer le chemin. Exemple :
« Je ne sais pas faire les nœuds de cravate. Je ne connais personne qui peut m’apprendre.
– Regarde un tuto sur Youtube pour apprendre !
– Ah oui, je n’y avais pas pensé ! »
2. L’ENVIE :
Les idées peuvent se succéder dans notre esprit mais n’aboutissent pas toutes à une action. L’envie est la sélection sincère d’une idée à mettre en pratique, sincère donc durable.
Exemple :
« J’ai envie d’être manager pour avoir un statut professionnel, mais c’est trop de travail.
– Tu as envie d’avoir un statut professionnel, pas d’être manager. Cherche un autre moyen !
– Ah oui, j’ai confondu but et méthode, je n’ai pas envie d’être chef d’équipe ! »
3. LA METHODE :
Transformer le réel requiert un mouvement, pertinent, que l’on peut fractionner en une liste chronologique des actions à mener pour arriver au but.
Exemple :
« J’ai mis les pâtes dans la casserole pour les cuire mais le résultat est immangeable !
– Ajoute de l’eau, et du sel, ce sera meilleur !
– Ah oui, je ne savais pas qu’il fallait tout ça ! »
4. L’ENERGIE :
La méthode est un plan, un plan est une liste de plusieurs points, ces points sont à relier par un mouvement requérant une énergie.
Exemple :
« Je devais faire du mixage ce weekend, mais j’étais trop malade, et je prends du retard.
– Tu es humain, tu es compétent et tu feras ça quand tu iras mieux !
– J’espère que mes clients comprendront ! »
5. UNE AIDE :
Se responsabiliser seul, de l’émergence de l’idée du projet jusqu’à sa bonne réalisation, peut s’avérer très difficile à plusieurs niveaux. Il vous faudra une aide extérieure : soit avec un contenu pédagogique déjà écrit par quelqu’un d’autre et qui vous a rendu autonome dans certaines tâches, soit pour obtenir un avis quand vous êtes dans une démarche expérimentale plus singulière.
Exemple :
« J’ai eu l’idée, l’envie, la méthode et l’énergie, mais j’ai du mal à terminer la production de mon album.
– Va voir The Queen Is Dead Records, on te dira si le but a été bien défini, si la méthode est efficace, et tu auras de l’aide technique, et toujours des encouragements.
– Ah oui, seul on va plus vite mais à plusieurs on va plus loin ! »
Prendre en main sa propre transformation

S’il manque une de ces ressources, on peut ressentir un sentiment d’échec. Si l’on se sent dans une impasse, c’est donc qu’il manque au moins une des ressources listées ci-dessus. Il suffit alors d’identifier ce qui fait défaut. C’est simple.
La ressource la plus importante me semble être l’aide extérieure, car celle-ci peut permettre de (re)définir avec davantage de précision les quatre autres ressources pour réaliser le projet. Toutefois, le choix de l’aide dépendant aussi de l’identification des autres ressources (dans leur nature ou leurs paramètres), la réussite d’un projet reste entièrement entre les mains de l’artiste, et réside dans un équilibre entre les ressources réunies et sa capacité à rester flexible quant à la formulation de l’objectif, pour mettre à jour sa perspective.
Bruce Lee disait : « toute connaissance du monde est connaissance de soi-même« . C’est là aussi l’intérêt de se responsabiliser et se retrousser les manches pour explorer l’inconnu à l’extérieur pour secouer l’inconnu à l’intérieur, plutôt qu’attendre une intervention providentielle des « spécialistes » qui interviendront dans sa zone de confort à l’extérieur sans qu’on ait besoin de grandir, de se transformer à l’intérieur. Si l’on m’offre du poisson, je n’aurai jamais besoin de pêcher. Mais le jour où j’apprends à pêcher, je peux être meilleur pêcheur que mon donateur. Comment savoir si c’est possible ? En se mettant en mouvement.
On peut penser le projet comme un but, mais on peut aussi considérer que chaque projet est un moyen de se sentir accompli, autant dans l’obtention d’un résultat final satisfaisant que le jouissif processus de réalisation. En effet, prendre en main sa propre transformation permet de s’incarner pleinement dans une vie que l’on façonne soi-même, et d’éviter de subir avec passivité des transformations induites ou imposées par d’autres.
Les labels ne s’adapteront pas à l’artiste : dès lors qu’un artiste cherche à plaire à un label, cet objectif peut autant le faire progresser dans certains aspects que l’aliéner en présupposant qu’aucun autre chemin n’existe. Si cette quête échoue, c’est peut-être que la méthode n’était pas la bonne, ou bien que la quête n’était pas la bonne ; si changer de méthode ne s’avère pas efficace, il reste la possibilité de changer d’objectif.
The Queen Is Dead Records et les artistes indépendants

Les spécialités techniques de The Queen Is Dead Records sont la production (enregistrement/mixage/mastering) et la distribution digitale. Pour le reste, vous ne resterez pas seuls, car la philosophie de The Queen Is Dead Records est d’apporter des solutions, des pistes et des réponses à chaque problématique, techniques ou artistiques. Les artistes indépendants prêts à faire les efforts eux-mêmes ont parfois seulement besoin d’informations pour pouvoir agir et obtenir ce qu’ils souhaitent. Comment distinguer un artiste indépendant d’un artiste qui ne souhaite pas l’être ?
– Un artiste indépendant n’est pas obligé de (savoir) tout faire, mais il n’essaye pas d’en faire le minimum, de se décharger, pour que les autres agissent à sa place.
– Un artiste indépendant n’estime pas que ce n’est pas son rôle d’effectuer une action qui pourtant est dans son propre intérêt.
– Un artiste indépendant s’intéresse à ce qui se passe avec sa musique et veut comprendre les différents mécanismes qui sont à l’oeuvre dans les différents processus (communication, marketing, production, distribution…) pour accompagner et ainsi pouvoir aider celui qui l’aide.
– Un artiste indépendant essaye de ne pas abandonner sa propre souveraineté sur son projet, sans pour autant refuser avec entêtement l’aide d’autres acteurs.
– L’artiste indépendant veut être un acteur plutôt qu’un consommateur.
Si vous souhaitez intégrer un label, je vous souhaite de réussir de tout mon cœur (même si je me reconnais plus dans la démarche des artistes indépendants). Mais si ça ne se fait pas, je vous souhaite de réévaluer votre but et votre méthode pour, peut-être, fonctionner autrement, en indépendant. Mais pas forcément seul. L’indépendance n’est pas l’absence de recours à l’aide d’autres personnes car, on l’a vu plus haut, on a nécessairement besoin d’une aide extérieure pour compléter et mettre à jour nos ressources (prendre des cours ou lire un livre ou voir un film qui inspire, c’est recevoir une aide).
L’indépendance est la recherche du juste milieu entre ses responsabilités et l’apport des autres, créant une relation équilibrée avec ses interlocuteurs, pas une relation qui sera uniquement commerciale avec un détachement philosophique. Le commerce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais adopter une démarche philosophique permet d’utiliser le commerce dans l’intérêt des humains plutôt que l’inverse.
Je ne citerai pas que des principes vaguement bouddhistes ou punks qui peuvent vous sembler farfelus ou abstraits, je ne voudrais pas que vous pensiez que je suis un hippie, hein. Je vais terminer cet article avec ma citation préférée de Jean-Marc Jancovici, ingénieur et conférencier spécialiste en énergie et climat :
« Vous ne pouvez pas correctement traiter un problème tant que vous n’êtes pas correctement capables de le décrire. Tant que vous ne savez pas décrire correctement un problème, ce que vous croyez être une solution sera en fait tiré au hasard. Quand vous tirez au hasard, la probabilité que vous atteigniez votre cible est extrêmement faible. »
Alors, après avoir resondé vos réelles envies concernant votre rapport à la musique, pensez-vous encore devoir à tout prix intégrer un label ?
Pour ceux qui veulent rester indépendants :
• Une aide dans le domaine artistique et tout autre aspect technique :
https://thequeenisdeadrecords.com/
• Une aide dans d’autres domaines (marketing, communication, booking…) :
https://www.guilsrecords.com/
• D’autres articles sur le sujet, à lire également :
– Peut-on, doit-on éviter l’erreur ou l’échec ?
– Label indépendant pour artistes indépendants : seuls contre tous ? – Une explication brève et réaliste de l’économie musicale actuelle
– Lettre ouverte aux musiciens qui rêvent de succès
– Pourquoi et comment rejoindre The Queen Is Dead Records ?
L.A