Daniel Johnston. Dès que j’aurai fini les présentations, vous n’oublierez plus jamais ce nom. En 1978, Laurie Allen quitte Daniel pour un croquemort. Daniel a 17 ans, il s’en remettra hein, forcément. Eh bien non. Jamais. Depuis, il passe sa vie à éponger sa tristesse avec ses chansons plus poignantes les unes que les autres. Richard n’a pas le monopole de la mélancolie musicale.
En 2012, je suis allé le voir en concert à Londres, dans un lieu fabuleux, la Union Chapel. A vrai dire, je trouvais les chansons de Daniel sympa mais sans plus, et je n’avais pris mon billet que dans l’espoir d’y croiser une fille qui aurait pu y aller. Déjà l’esprit de la louze flottait dans l’air.
Les premières secondes furent les plus dérangeantes de tous les concerts auxquels j’ai assisté. Daniel Johnston s’avance d’un pas lourd en regardant le sol. Tonnerre d’applaudissements, on se lève et on crie son nom. Il a ses textes de chanson dans sa main, il les pose sur son pupitre. Quoi ? Il ne connaît pas ses textes par coeur depuis le temps??…
Le gros Daniel aux cheveux blancs a encore son badge VIP accroché à son pull taché, comme pour justifier sa présence sur scène. Il prend une petite guitare qui le rend encore plus gros et joue catastrophiquement. Aucun sens du rythme et des positions de doigts loin d’être fermes sur son manche : cet homme a des problèmes psychomoteurs. Et pas que. Ce mec a tout du loser. Mais personne ne rit. Saisis par la surprise ou juste parce qu’ils savent tous qui il est. Après quelques secondes, les non-initiés savent à qui ils ont affaire :
« I love you all, but I hate myself
And there doesn’t seem to be anyone who can help
And everything has turned out bad
I’m so sad »
Le seuil était franchi, voilà, c’était donc ça la magie de Daniel Johnston en live. De loser à génie, il n’y a qu’un pas de Daniel. Daniel chante (presque) juste, et tremble comme si l’émotion n’avait pas assez de sa bouche pour s’échapper de son gros corps. C’est intense, pour tout le monde dans la chapelle. Au bord des larmes pendant quinze chansons, je sais que « Love Will Find You in the End », en rappel, les fera couler. Bingo.
Ce concert a littéralement changé ma perception de ce que doit être un concert. Une expérience émotionnelle unique. A ne pas mettre entre toutes les oreilles. Si vous ne parlez pas anglais, c’est sans risque. Sans intérêt aussi, d’ailleurs.
Après ce concert, j’écoute attentivement toute la discographie de Daniel et j’aime beaucoup de chansons. Je n’en ai pas de préférée. L’an dernier, j’ai vu le documentaire musical le plus bouleversant de ma vie. Daniel qui fait une sorte de bilan de sa vie, dans un fauteuil, avec des archives sonores de ses sessions d’enregistrements des années 80, dans son home studio, avec une reconstitution visuelle criante d’authenticité.
Le générique de fin, c’est une chanson de Daniel, mais chantée par quelqu’un d’autre. Cette voix grave et triste, on dirait … non, Lana Del Rey ?? Lana connaît Daniel, Lana apprécie Daniel, Lana chante Daniel dans un documentaire sur Daniel ?? Lana a bon goût, « finalement » oserais-je ajouter. D’ailleurs, elle a fait un don de 10 000 dollars au crowdfunding pour la réalisation de ce documentaire. Allez, vas-y, pleure :
Un peu comme Jeff Buckley qui avait eu un coup de cœur pour le « Hallelujah » de John Cale plutôt que l’originale de Leonard Cohen, je suis parti de l’esprit de la reprise de Lana. En août, j’ai failli ne pas enregistrer de reprise du mois, histoire de prendre un peu de vacances. Mais cette version de Lana me hante depuis que j’ai vu ce documentaire.
Pour l’exercice, j’ai testé une nouvelle approche vocale en chantant assis. On s’en fout un peu mais j’aime être exhaustif.
Vous pouvez trouver le morceau sur Bandcamp et Soundcloud.
E.C.
1 réflexion au sujet de “2016, une année de reprises : TQID #8 / « Some Things Last a Long Time » – Daniel Johnston”