Aujourd’hui, cela fait dix ans qu’est sorti Fake Memories, quatrième album de Blue Chill. Il est l’aboutissement de trois ans de recherches et d’expérimentations quotidiennes intensives dans le domaine de la création musicale assistée par ordinateur.
Entre 2005 et 2007, c’est l’exploration, morceau après morceau. Ensuite ils ont tous été organisés dans des compilations. A partir d’août 2007, changement de méthode ! Fake Memories est le premier véritable album pensé et conçu comme tel. Même si beaucoup de styles y sont représentés, il y a une histoire, un fil conducteur, et une forme de narration du début à la fin : de l’arrivée du sentiment amoureux jusqu’au rejet et la dépression, la folie, puis la mort. Rien que ça. La date de la St Valentin était donc la plus appropriée pour le thème.
Faire un album est ambitieux. Encore faut-il de bons outils. Ou, au moins, des outils suffisants pour faire quelque chose d’aussi propre que possible… avec un ordinateur portable premier prix et avec, surtout, sa médiocre carte son intégrée.
A l’époque, j’avais peu d’instruments également : une Cort G250 (ma première guitare électrique, que j’ai toujours depuis 2005), une guitare électro-acoustique XP (avec un étonnant micro interne de très bonne qualité), et un petit clavier Yamaha Portasound PSS 190 (qui est toujours le modèle que j’utilise aujourd’hui).
Ah oui, et j’avais aussi un ukulélé, mais qui n’a pas fait long feu puisqu’il a fini en 1000 miettes quelques mois plus tard. Je n’en dirai pas plus… C’est fragile ces choses-là.
J’ai utilisé trois logiciels : Acoustica Mixcraft 2.1 pour le mixage, Acoustica Beatcraft pour la boîte-à-rythmes, et Fruity Loops pour quelques motifs électro.
A coups de désaccordage de guitares, avec un tambourin, et beaucoup de bricolages, ça a donné un album avec des morceaux composés au fur et à mesure des enregistrements, et assemblés de manière intuitive avec les moyens du bord.
Tout a commencé en août 2007, avec une dizaine de jours passés chez Zima exilé en Alsace. Quand on était en Bretagne, c’était plus facile de faire de la musique. Mais internet abolit les distance. C’est quand même mieux en face-à-face. Et pendant ces dix jours, on s’est amusé comme des petits fous. Vous connaissez l’expression DIY ?
– Un pot à crayons comme pied de micro pour enregistrer les guitares folks débiles sur « Les régimes spéciaux de retraite »
– Une bouteille de parfum à la place d’un bottleneck pour « The Mere Night »
– Le jeu « Electroplankton » sur DS utilisé pour « Fields of Stems »
Aucune basse. Tout ce qui s’apparente à de la corde grave est une corde de Mi grave désaccordée sur ma guitare électrique. L’essentiel du travail de remasterisation consistait d’ailleurs en la (re)constitution de basses fréquences pour asseoir autant que possible les morceaux. Pour « El Pistolero », j’ai également désaccordé mon électroacoustique au hasard, jusqu’à réussir à obtenir une corde de basse intéressante et jouable en même temps que d’autres cordes désaccordées.
J’ai enregistré la voix avec un micro PG58 directement branché dans le port micro de mon ordi portable, que j’emmenais dans ma voiture qui me servait de cabine d’enregistrement. J’enregistrais au milieu de la nuit au bord de la route nationale N12, entre Brest et Guipavas, parce que j’étais trop réservé à l’idée de chanter dans un appartement. J’ai parfois été un peu sur le port de commerce de Brest, pour varier un peu. La batterie de l’ordinateur étant d’autonomie courte, il m’arrivait de faire 2 ou 3 allers-retours, entre chez moi et la N12. Je faisais le tri entre les bonnes prises de voix pendant que la batterie se rechargeait, puis j’y retournais si besoin. A partir de 8h du matin, il y avait trop de voitures, donc je n’y allais plus.
L’album contient plusieurs faiblesses objectives, des défauts de fond et de forme, mais j’en étais très fier, et je le reste encore 10 ans après, d’où sa nouvelle sortie aujourd’hui. Et il faut bien commencer quelque part pour pouvoir progresser. Voici ce qu’on avait écrit à l’époque comme descriptif complètement pompeux quand on avait sorti l’album sur Jamendo :
Avec cet album sorti le 14 février 2008, Blue Chill confirme à la fois son éclectisme et sa détermination à s’affranchir des codes musicaux les plus courants, mais a su également remettre en question ses habitudes. Doté d’une vraie cohérence et organisé de façon réfléchie tant dans les morceaux qu’à l’échelle de l’album tout entier, Fake Memories s’avère pourtant être un album sanguin, très direct, avec parfois des morceaux enregistrés en une fois, d’un seul trait, pour capturer la dynamique torturée du moment. A l’inverse, certains morceaux, longs et pleins d’ambition, ont bénéficié de dizaines d’heures de travail, de réenregistrements et de mixages. Fake Memories est un album qui transpire l’anxiété, suinte l’angoisse, et respire une fureur étouffée.
Il est difficile d’écouter d’une traite un album inconnu d’un artiste dont on ignore tout. surtout lorsque celui-ci dure plus d’une heure. Si vous avez peur de vous perdre dans cette jungle, commencez par les titres que nous jouons en live, comme Sparkles in the Eyes, Something to Happen ou It’s You. Nous espérons qu’ils vous plairont et que vous plongerez dans la suite…
Pour cette re-sortie de l’album, outre le travail de restauration/remasterisation réalisé héroïquement (rien que ça) à partir uniquement des fichiers en mp3, il y a deux titres en supplément qui ont été enregistrés à la même époque et un live :
– « Illusory Ink » : sans doute composé juste après la sortie de l’album, je ne me souviens plus.
– « El Funcionario Fever » : c’est le tout premier morceau qu’on a joué en répétition avec la formation brestoise, qu’on appelait « Loïc Fever » à l’époque puisque c’était un morceau qu’on avait brodé autour d’un riff de Loïc, alors nouveau guitariste fraîchement débarqué dans le groupe.
– « Been Rebuffed (2011 live) » : enregistrée à la fête de la musique à Concarneau, devant le comptoir. C’est la meilleure version live enregistrée du morceau, et probablement tout simplement la meilleure version live tout court de Been Rebuffed, après quelques années de travail et quelques transformations, avec Loïc et Angela à la guitare, votre serviteur à la guitare et à la voix, Ju à la basse, le brutal Tanguy à la batterie, et Gauthier au saxophone dans un registre rarement atteint par cet instrument.
La pochette est l’oeuvre de ce très cher Toma :
http://tomamapoulpo.blogspot.fr
Merci à lui d’avoir mis en dessin tellement de blue-chilleries entre 2007 et 2008 (dessins visibles sur son ancien blog).
01. Weihnachten in Strasbourg (intro)
02. Sparkles in the Eyes
03. Fields of Stems
04. In Clouds (mk3)
05. Something to Happen
06. Been Rebuffed
07. Les Régimes Spéciaux de Retraite
08. Miss Parisopheles
09. Turning Communist
10. Ian & Annik
11. Passe-Moi Le Sel
12. Ocean in the Air
13. Two Drops of Water
14. Dissidis
15. Mum’s Belly
16. El Pistolero (drunkacoustic)
17. Post Mortem Love Declaration
18. It’s You (2008)
19. The Mere Night
20. A Shit Emasu (outro)
21. Illusory Ink – bonus
22. El Funcionario Fever – bonus
23. Been Rebuffed (2011) – bonus
Ecoutez et téléchargez « Fake Memories » sur Bandcamp.
E.C.