Non classé, Témoignage

BLUE CHILL – Voyage dans le temps et dans les internets de 2002 à 2021

Depuis décembre 2020, Blue Chill (mon groupe/projet musical) a un nouveau site avec un nouveau nom de domaine, bluechill.org. Blue Chill existe depuis presque 17 ans et a occupé, sous toutes ses formes, l’espace offert par internet pour exister, et a connu à peu près toutes les plateformes de réseaux sociaux depuis… l’invention des réseaux sociaux, pour finalement encore avoir un site en 2020. Je trouve assez intéressant de passer en revue mon cheminement à travers les internets depuis le début du début.
NB : N’oubliez pas que c’était il y a longtemps, les standards esthétiques ont beaucoup évolué, et j’étais jeune.

2002 / Netscape, Yahoo Messenger et Lycos

En 2002, je découvrais internet. J’avais commencé à faire un site par l’intermédiaire de Netscape (#RIPNetscape), en tout cas je le croyais. Un peu à la manière de Creed dans The Office, j’avais juste tout rédigé et mis en forme dans le navigateur, sans aucune publication en ligne. On ne se moque pas. Bon, ok, si, on peut. Premier contact avec l’idée d’exister dans les internets.
En 2004, année de création de Blue Chill, je trouve un moyen de publier sur internet : Lycos, et son interface « Multimania ». Avec web ftp et WYSIWYG, et mon inspiration immonde de draps bleu foncé en fond d’écran, pour faire classe (j’ai cherché l’image, mais elle est tellement 2004 qu’elle n’apparaît pas dans Google Images). C’était profondément moche, surtout que je mettais trop d’images sur chaque page et c’était lourd sans ADSL à l’époque.
Je jouais l’apprenti sorcier, en copiant-collant des codes html « magiques », trouvés sur internet, qui faisaient par exemple tomber de la neige à travers les pages du site quand c’était l’hiver. Je programmais des pop-up sur la page d’accueil pour souhaiter « Bienvenue » (avec le bouton « OK » pour fermer le pop-up). Il y avait aussi le compteur de visiteurs pour se la raconter quand on arrivait à plus de 100. J’avais même réussi à y héberger un « tchat ». A cette époque, j’ai découvert l’utilisation des balises html pour le gras/souligné/italique, pour les couleurs, pour les alignements, incrustations de liens, affichages d’images. C’était rigolo, mais beaucoup plus pour moi que pour les visiteurs.

2004/ Skyblog, l’époque où on écrivait des pavés

Toujours en 2004, il y a eu Skyblog. Les « skyblogs » étaient proposés par le site de la station de radio spécialisée dans le rap et le R’n’B, Skyrock. Mais on trouvait toutes sortes de profils parmi les utilisateurs de cette plateforme, y compris des adorateurs de Christophe Maé (pas moi) ou de Radiohead (moi). Le principe était simple : on postait une image ou un texte, ou les deux. A l’époque, aucun like, juste des commentaires. L’engagement des visiteurs demandait plus de temps qu’avec les likes rapides d’aujourd’hui. Il y avait la possibilité de faire partie d’une vraie communauté dont les membres se commentaient mutuellement les articles. Ça marchait, c’était un peu intéressant parfois, bon enfant, mignon.
Skyblog servait de journal intime, ou à partager des récits humoristiques de quelque chose qui nous était arrivé, ou une critique de film, d’album de musique… Les photographes et graphistes postaient leurs œuvres, les musiciens devaient héberger leur musique ailleurs et faire des liens externes. Dans un premier temps, Skyblog était donc idéal pour ranger les premiers textes de chanson de Blue Chill, décorés de visuels parfois faits maison, parfois offerts par le camarade Toma, dessinateur possédant un joli coup de crayon. A ma grande surprise, ce blog existe toujours : https://bluechill.skyrock.com/

2005 / Myspace : « oups »

En 2005, Blue Chill commence à avoir ses premiers mp3, et Myspace a le vent en poupe à cette époque. On a quelque chose d’assez directif, plus que Lycos mais moins qu’une page Facebook. On a des blocs que l’on peut bouger, customiser, et tous les utilisateurs usent et abusent des incrustations de codes html. On a des licornes_scintillantes.gif et des winking_rabbits.gif, les profils perso sont très kawaii, mais certains profils musicaux sont la classe incarnée. J’essaye donc de m’inspirer. Le lecteur de musique incrusté en haut de la page accueille dans un premier temps quatre morceaux, avec le compteur de lectures qui apparaît publiquement. De temps en temps, on fait tourner les morceaux, en gardant ceux avec les meilleurs scores d’écoutes, pour impressionner les visiteurs avec des gros chiffres. On peut y incruster des vidéos Youtube, ce qui à l’époque ajoute à l’illusion de professionnalisme. Les commentaires publics se résument bien souvent à « Merci pour l’ajout », parfois on a des vrais commentaires sympas qui font plaisir, sans véritablement sentir une dynamique de communauté, ni pour Blue Chill ni pour d’autres : tout le monde avait juste l’ambition nombriliste d’avoir le plus beau Myspace.
Facebook gagne du terrain à partir de 2007, Myspace a du mal à lutter. Justin Timberlake rachète Myspace en 2012, ok, pourquoi pas. Soudain, le 18 mars 2019, c’est le drame : Myspace perd 12 ans de contenus. Unique trace du myspace de Blue Chill : la capture d’écran ci-dessus. Sinon, oui, le lien reste toujours actif, mais quand j’ai été totalement découragé quand j’ai appris que tout avait disparu, donc je l’ai laissé vide.
Plus de 50 millions de chansons ont disparu, toutes les photos et commentaires et gifs d’animaux mignons uploadés entre 2003 et 2015 sont aspirées dans le néant. What. The. Fuck. Aujourd’hui Myspace est devenu un réseau social fantôme (plus de 100 millions de visiteurs par mois entre 2005 et 2008, seulement 7 millions par mois en 2020) que tout le monde méprise ou déteste (j’en fais des tonnes exprès). MERCI JUSTIN.

2007 / Facebook, le groupe se met à la page

Je m’inscris sur Facebook en novembre 2007, et je suis presque sûr qu’à cette époque aucun de mes amis Facebook actuel ne s’y était encore inscrit. Donc ça ne servait qu’à une chose : regarder qui était assez geek pour s’inscrire sur un tel réseau social pas du tout hypé à ce moment-là. Le format de profil personnel ne se prêtant pas à la présentation d’une activité musicale, j’opte pour le format « groupe ». En 2009, le format « page » arrive et résout quelques problèmes en matière de promotion de contenus. Myspace devient un peu ringard, Facebook gagne en popularité, et en 2020 on y est encore tous… Ou presque. Sur Facebook les politiques de censures de contenus sont plus que discutables, voire carrément totalement injustes, et le côté intrusif de ce géant commence à en gêner beaucoup d’un point de vue éthique. Je ne connais personne nouvellement inscrit sur Facebook, par contre je connais des gens qui quittent Facebook. Il existe bien VK, avec une interface qui ressemble beaucoup au vieux Facebook. Mais quand on veut avoir de la visibilité, on reste dans la lumière.

2008/ La fin de l’ère des blogs, l’avènement de l’ogre Facebook

En 2008, Skyblog pense enfin aux musiciens, et propose un lecteur de musique sur des pages « artistes ». Mais à l’époque de cette mise-à-jour, tout mon réseau a migré vers Facebook, ou MSN Messenger (#RIPMSN) Donc la messe était dite. Par nostalgie, je constitue tout de même une page (bizarrement, à l’heure où j’écris ces lignes, le skyblog musical de Blue Chill existe toujours : https://blue-chill.skyrock.com/) mais Skyblog, devenu entre-temps « blog skyrock » (avec l’extension nomdublog.skyrock.fr), est devenu démodé. Je tente alors une plateforme de blog un peu plus « mature » avec Over-Blog. Mais, arrivé en 2010, le format du blog semble un peu dépassé, et il est plus facile de s’adresser à une communauté au sein-même de l’écosystème où elle existe avec des publications « natives ». Oui, vous lisez un article de blog là, mais ça n’est plus la tendance générale du moment. Autrefois, tout le monde avait un blog, même les gens qui n’avaient pas grand chose à dire ou à montrer. Aujourd’hui, ces gens-là postent leurs photos ou leurs opinions sur Facebook. Le blog est devenu un format incontournable quand on veut écrire beaucoup avec une mise en page soignée.
Un lien externe à Facebook ne bénéficiera pas d’un algorithme de visibilité très généreux. Par exemple, les vidéos sur Facebook n’ont pas toutes le même traitement : les vidéos Facebook obtiennent 477% de partages supplémentaires, 530 commentaires en plus, en comparaison avec les vidéos Youtube, et surtout un taux d’interaction supérieur de 168% (statistiques de novembre 2020). Le compte Youtube de Blue Chill ne peut donc pas être sollicité sur Facebook (oui, je sais, je mise beaucoup sur Facebook). Tout ça ne donne pas très envie de poster un lien vers un blog, mais plutôt de faire une grosse publication dans Facebook. ASTUCE : la technique à utiliser (et c’est ce que je fais), c’est de poster une image sur Facebook pour accompagner tout lien externe. Facebook ne va pas considérer que c’est un partage de lien externe décoré d’une image, mais au contraire qu’il s’agit d’une image native avec une légende… comportant un lien ! Héhé.

2009 / Jamendo et Dogmazic : musique libre, escroquerie et mauvais goût

Concernant la musique libre, on peut voir les choses de deux façons. Soit c’est une voie inspirée par une philosophie : l’idée de partage et de libre circulation de la musique. Soit c’est une voie inspirée par la louze : l’idée d’être écouté à tout prix, surtout le plus petit (prix). En 2009, Spotify et Deezer existent mais c’est beaucoup trop compliqué pour un groupe lambda d’y placer sa musique. Le skyblog musical n’est pas le top de la classe, entaché de la réputation de radio hyper commerciale attribuée à Skyrock. Alors Jamendo ressemblait à une bonne idée.
Le site était propre, convivial avec une communauté mise en avant : un forum vivant, des commentaires bienveillants affichés sous les albums. Regardez la capture d’époque que je vous ai retrouvée (ci-dessus), lisez un peu ce que les gens avaient écrit sous un de nos albums. C’est du pur délire extatique. Jamendo était une sorte de Myspace soyeux sans gifs d’animaux qui clignotent, et avec la possibilité d’y présenter ses albums entiers. Ça peut sembler anodin, mais en 2009, je vous jure, c’était la seule solution simple et gratuite pour présenter en écoute libre un album de plusieurs pistes avec lecteur intégré dans la page (qu’on pouvait exporter d’ailleurs sur une page web).
Hélas, Jamendo est un peu l’île maudite où échouent tous ceux qui n’ont eu aucune reconnaissance, peu importe la taille de leur ambition ou la qualité intrinsèque de leur musique. Je ne dis pas que toute la musique qu’avait posté Blue Chill était grandiose, justement : n’importe qui postait n’importe quoi, et tout le monde le savait, donc personne n’allait sur Jamendo sauf les musiciens qui y postaient eux-mêmes leurs musiques, et quelques rares copains de ces musiciens, pour mettre 5 étoiles par solidarité. Les gentils commentaires n’étaient que de la lèche, parfois on pouvait lire le total opposé, comme « not worth a listen » comme unique commentaire posté sous un autre album. Un avant-goût des réseaux sociaux actuels, cruels, snif.
Une île maudite, disais-je, où s’abritent des musiciens en mal de reconnaissance. Qui se feront dévorer par le monstre de l’île. Le pire, c’est l’attitude de Jamendo. Autant vous dire que les 10 euros qu’Hélène avait laissés comme don n’ont JAMAIS été reçus par Blue Chill. Et Jamendo réussissait même à vendre en douce la musique des utilisateurs du site, non mais sérieusement. Je me souviens d’un groupe brestois qui avait entendu sa musique passer sur une grande chaîne nationale d’un pays frontalier. Jamendo devait être le protecteur et le garant d’une juste rémunération, mais avait perçu l’argent sans rétribuer le groupe. Du coup, pour récupérer l’argent volé par Jamendo, le groupe est passé du côté obscur et a rejoint la Sacem. Comme quoi, parfois nos principes ont juste un prix en fait. Ne nous leurrons pas, l’idée du libre c’était juste de passer pour un musicien pas vénal et modeste en attendant de trouver un moyen de devenir riche et connu, of course. Dès qu’on voit une bretelle de sortie de l’autoroute de la misère, on la prend, quitte à rouler sur un chat errant, j’aurais fait pareil (j’aime pas les chats).
Sinon, Dogmazic c’était comme Jamendo, mais avec l’honnêteté et sans le style. Regardez-moi cette horrible charte graphique orange. C’était tellement moche que finalement j’avais retiré toute la musique de là-bas. Berk.

2011 / Bandcamp, liberté, égalité, sobriété, efficacité

Jamendo semblait mieux que Myspace. Mais Bandcamp a vite remplacé Jamendo dans mon coeur. Cette interface doit être d’origine marseillaise, car elle va « droit au but » (coucou je suis un journaliste des Inrocks). On a tout ce dont on a besoin : l’affichage clair des pochettes des EP/albums, le lecteur intégré, les écoutes et téléchargements intuitifs, la possibilité de vendre sa musique numérique et les éventuels formats physiques, Bandcamp ne conservant qu’une toute petite part de la transaction. Ça reste honnête. En tout cas ça me va tellement que j’en ai fait l’hébergeur principal non seulement de la musique de Blue Chill, mais aussi de toute la musique du label The Queen Is Dead Records.
Les stats permettent aussi de voir en un clin d’oeil tout mouvement quotidien, les sites de provenance des visiteurs, les nombres d’écoutes complètes, partielles et courtes pour chaque morceau. Vraiment bien fait et très utile. Le seul point faible de la plateforme : son aspect communautaire très fermé et exclusif avec des posts impossibles à lire si on n’est pas inscrit sur Bandcamp et si on n’est pas abonné au compte Bandcamp en question. Plus fermé, tu meurs.

2015 / Bandzoogle : plus cher et moins flexible que Wix

La page Facebook était incontournable, avec des communications natives au coeur de l’écosystème dominant, Facebook. Mais il y a de quoi se sentir un peu à l’étroit avec la même mise en page imposée à tout le monde, comme Bandcamp qui est très propre et orienté uniquement vers la musique, sans place pour du blabla. Depuis la mort de Lycos Multimania en 2009, je n’avais plus tenté l’aventure des sites indépendants. J’aimais beaucoup WordPress, que j’avais utilisé au départ comme site pour le thequeenisdeadrecords.com. Mais j’utilisais WordPress comme un blog (des longs articles) (comme celui que vous pouvez lire en ce moment) et pas un vrai site avec un caractère personnel. Et je suis tombé sur Bandzoogle et ses « templates » classes.
J’ai utilisé Bandzoogle pendant 4 ans, jusqu’à ce qu’on me dise que Wix était moins cher. J’avais vu des sites Wix pas très beaux, je trouvais plus rassurant de compter sur les modèles. Wix a des modèles très cools, et dont les éléments sont absolument tous modifiables, dans leur style et leur emplacement. Wix est imbattable ! Surtout qu’en passant par un VPN, en étant géolocalisé en Russie, le forfait est presque à moitié prix. Grâce aux offres du Black Friday, on se retrouve à 3,50 euros par mois. Et si on prend un forfait avec engagement sur 2 ans, on paye encore moins.
Dans les premières versions du site de 2004, il y avait beaucoup trop de pages. Dans la version de 2021, j’ai voulu le moins de pages possibles, synthétiser, et chercher la qualité plutôt que la quantité.

Et le reste alors ?

Avec Facebook, Bandcamp et Wix, on peut être prêts pour la guerre. J’estime ça suffisant dans ma vision, mais il existe d’autres plateformes, dont je suis moins fan, voire pire encore.
Pendant un moment, Twitter n’a été qu’une simple formalité, pour exister là et relayer des infos. Mais l’esprit de Twitter s’est beaucoup dégradé ces dernières années et en 2017 j’ai décidé de ne plus m’impliquer dans cette plateforme qui ressemble de plus en plus à un asile de fous. On n’a que 24h dans une journée, je préfère investir mon temps ailleurs.
Soundcloud ressemble un peu à l’esprit qu’on cherchait tous sur Jamendo. En 10 ans, les moyens de faire de la musique ont évolué, les standards ont grimpé, et il devient plus rare de tomber sur des choses inintéressantes. C’est un peu la « place-to-be » pour tous les musiciens du monde. L’ambiance y est paisible et constructive. Beaucoup de petits groupes ne postent leur musique que là, ce qui fait que ça en fait un catalogue incroyablement riche quantitativement parlant. Il y a énormément de talents inconnus qui postent de la musique géniale. Mais, comme pour Bandcamp, ce n’est pas sur Soundcloud qu’on se fera connaître car c’est une plateforme essentiellement musicale.
Instagram, un peu comme Soundcloud, est une plateforme jolie, où règne une atmosphère pacifique avec un certain sens esthétique. Pas de compte Instagram de Blue Chill pour l’instant, parce que le peu d’activité des dernières années ne le justifiait pas. C’est le compte de The Queen Is Dead Records qui est utilisé pour l’instant.
La dernière plateforme que je dois vous mentionner n’est pas Wikipédia. Blue Chill ne remplit pas les conditions de notoriété pour y figurer, évidemment. Par contre, à l’échelle locale, Blue Chill a réussi à obtenir une page Wiki-Brest (le groupe a été basé à Brest entre 2007 et 2012). C’est plutôt cool, parce que ça permet à tous les groupes locaux de raconter, d’avoir envie de raconter leur histoire.

Dans 10 ans, que restera-t-il de tout ça ? La réalité virtuelle changera peut-être la donne avec des stands en 3D, dans une prochaine mise-à-jour de Facebook, ou même un futur Grand Theft Auto, qui sait ? En tout cas, pour 2021, je crois que tout ça sera suffisant. Et le site reste, pour moi, un must, car c’est l’espace de liberté qui permet de créer une carte de visite sur-mesure qui existe hors des réseaux sociaux, à la fois superbe outil de communication pour créer du lien et horrible fléau qu’est l’aliénation de recherche de popularité.

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