Vous avez enregistré votre musique, le mixage est terminé, votre musique est prête. Presque. Faut-il absolument passer par la case mastering avant la case distribution digitale ?
Mastering : la philosophie
Geoff Emerick, ingé son des Beatles, disait que faire un bon mastering, c’est bonifier ce qu’on avait au départ. Obtenir après quelque chose de mieux qu’avant. C’est une définition modeste. Le mastering, c’est aussi surtout réussir le portage de la musique pour qu’elle sonne aussi équilibrée que possible dans toutes les conditions d’écoutes.
Avant le mastering, le mixage

Traditionnellement, il est convenu que seuls des petits réglages subtils ont leur place à l’étape du mastering, qui en théorie ne doit pas traiter l’aspect artistique, juste technique. Le mastering ne change pas la musicalité, ne révolutionne pas ce qui a été obtenu au mixage, mais il raffine.
Il est recommandé d’opérer des changements notables au mixage plutôt, pour agir avec précision sur les pistes spécifiquement plutôt que sur un champ de fréquence partagé entre plusieurs instruments. Le mastering, c’est comme appliquer la même correction à chaque piste, or toutes n’en n’ont pas besoin forcément. Un traitement pourrait donc bonifier un instrument, et en même temps en détruire un autre.
Mastering automatisé VS mastering humain

La différence entre un mastering automatisé par un algorithme et un mastering réalisé par un humain, c’est que ce dernier pourra discuter avec vous de ce que vous pourrez faire au mixage pour lui remettre le meilleur fichier possible afin qu’il puisse réaliser le meilleur travail possible, avec aussi peu d’actions radicales que possible. Tout en finesse.
L’algorithme, lui, va « algorithmer » et ne pas réfléchir à ce piano qui est trop fort. Il gère des moyennes qu’il calcule, il n’a pas d’oreille pour écouter s’il y a une bonne musicalité ou pas. Il ne va pas vous conseiller de baisser ce piano qui est trop fort. Le comparatif de Wytse Gerichhausen de White Sea Studio est parfait pour bien comprendre la différence entre les deux types de service.
Un mastering multiservices

Aujourd’hui les mixages peuvent être réalisés par des profils très différents, pas forcément des ingénieurs du son précis et expérimentés dans des lieux dédiés à ce travail. On peut alors se retrouver, au mastering, à faire un peu plus que du mastering.
Il existe des cas où l’optimisation peut aller un peu plus loin qu’un travail de « portabilité de la musique ». Par exemple, s’il s’agit d’une prise globale en live, sans le détail de pistes séparées, ou si l’on a perdu les pistes et qu’il reste juste le bounce ou la vieille version d’un mixage pas vraiment terminé. Dans ces cas-là, on fait ce qu’il faut, ce qu’on peut, et ça relève plus d’un nettoyage, d’une réhabilitation, d’une résurrection parfois, que d’une simple formalité de mise aux normes.
Conséquence des homes studios

Le domaine du mastering a beaucoup évolué au cours des 30 dernières années. Avec la démocratisation des « home studios », qui sont des lieux peu ou pas optimisés pour travailler la musique, les morceaux conçus et mixés dans ces conditions n’ont pas forcément la qualité de ceux conçus et mixés en studio.
Tom Lord-Alge, que j’avais eu l’honneur de voir dans une conférence intimiste à l’Abbey Road Institute, considère que ses mixes n’ont pas besoin de mastering. Il connaît son studio, et il affirme remettre à ses clients des morceaux déjà parfaitement calibrés. « Masterisez si vous voulez, moi je considère que, tel quel, c’est déjà bon« . Son studio est un lieu idéal pour approcher au plus près d’une qualité aboutie, non seulement en raison du matériel qui s’y trouve, mais aussi pour le traitement acoustique du lieu… en plus de l’expérience de l’homme qui y travaille : bon lieu + bon matériel + bon professionnel = c’est le trio gagnant. Tout le monde n’a pas les conditions de travail ni l’expérience de Tom Lord-Alge, qui n’a pas besoin d’un regard extérieur pour l’aider à obtenir un résultat abouti.
Dans le monde normal du commun des mortels, on se retrouve souvent avec des morceaux faits-maison moins bien calibrés comparés aux conditions optimales de professionnels académiques. Certains morceaux peuvent sembler impropres à la diffusion en l’état, mais améliorables. Si certains estiment qu’il s’agit d’un bricolage qui n’a rien à voir avec la noblesse de l’art du mastering, c’est en tout cas quelque chose que j’aime beaucoup faire. Sauver ce qui semble inexploitable.
Mon approche
– En traitement de mastering, je pense d’abord à trois paramètres :
- la dynamique (les écarts de volume sur du court et long terme, les compressions et différents niveaux de volumes des différentes parties du morceau),
- et le spectre (des bonnes proportions, ce qui est en fait le traitement du volume et de la compression par tranche de fréquence).
– Pour moi, un bon mastering c’est :
- avoir un ou plusieurs morceaux de référence pour savoir dans quelle direction on doit aller selon le style visé
- bien connaître ses enceintes et/ou casques (en avoir de plusieurs sortes), sa pièce et ses oreilles pour savoir quoi faire et dans quelles proportions sans se faire piéger par le caractère du matériel et du lieu où l’on se trouve
- avoir un outil de mesure pour prendre des mesures que l’oreille ne peut pas forcément faire
Plus d’informations sur le mastering par The Queen Is Dead Records : https://www.thequeenisdeadrecords.com/mastering
E.C.
1 réflexion au sujet de “Mastering : obligé ou pas ?”