Autrefois, je pensais que le mastering était simplement une formalité pour la finalisation de la production, réalisée en solitaire par un technicien, en une seule étape.
Cette approche, un peu simpliste, a permis de populariser les différentes plateformes qui prétendent réaliser du mastering instantané en ligne. S’il n’y a pas d’humain, on gagne du temps ! Mais on perd l’humain, et son expertise, ses conseils : le mastering n’est pas une simple ligne droite, et ne peut être exécuté parfaitement par un algorithme.
Fini ≠ beau
Je ne vais pas vous ressortir le schéma de mise en relation entre prix, temps de réalisation et qualité. Vous savez déjà que si c’est rapide et pas cher (« c’est la Maaf qu’on préfère » – ah non, c’est pas ça), c’est que vous rognez sur la qualité.
Le mastering immédiat par un algorithme a une faiblesse : après le traitement, il vous indique que le mastering est terminé, pas que le résultat est beau. Le mastering n’est pas une couche de vernis à passer sur n’importe quel type de fichier audio. Cette base sonore, votre morceau mixé, doit être parfaitement équilibrée pour mériter sa couche de vernis. En théorie, le vernis n’est pas là pour réparer, mais pour acter la finalisation de la chaîne de production, sans aucun maillon faible qui abaisserait la qualité générale.
Shit in, shit out
Dans la chaîne de production, il y a :
– l’enregistrement (on récolte)
– le mixage (on organise)
– le mastering (on met aux normes)
Ces trois étapes se suivent, et chaque étape est dépendante de la (des) précédente(s).
Par exemple, quand vous mixez votre morceau, votre matériau de travail vient de l’enregistrement. Il sera parfois plus simple de réenregistrer quelque chose de mieux plutôt que de chercher à réparer un enregistrement qui n’est pas assez bon. Traitez les causes plutôt que les conséquences. Si quelque chose vous pose un problème au mixage, ce n’est pas forcément au mixage que vous trouverez la solution.
De la même manière, si l’on suit la chaîne de causalité, les anomalies constatées au mastering sont forcément la conséquence de décisions antérieures (au mixage ou à l’enregistrement). Ce n’est pas à l’étape de mastering que les réparations doivent avoir lieu.
Néanmoins (on ne dit pas « Néanmoins » mais « Voldemort ») à cette étape, les constats et les diagnostics peuvent être posés, d’autant plus que la personne qui fait le mastering est généralement étrangère à l’intégralité de la chaîne de travail, et dispose d’oreilles fraîches. Il est à la fois le responsable qualité qui peut évaluer votre musique sans pitié et lister les petits défauts à gommer, et aussi le « patient zéro » qui sera le premier auditeur extérieur à vous montrer son pouce levé après écoute de votre œuvre.
Une coopération
C’est parce qu’un bon mastering n’est pas faisable avec autre chose qu’une bonne base que le technicien humain en charge du mastering vous fera (normalement) toujours un retour sur les éléments que vous pouvez corriger, les erreurs à comprendre, les actions à mener, afin que vous lui transmettiez le meilleur fichier possible. Au mastering, on peut agir sur certaines choses, mais pas faire dans le détail comme au mixage. Une fois ces modifications apportées au mixage, le mastering peut avoir lieu.
Le résultat final ne doit pas être imposé, sans aucun commentaire possible de la part de l’artiste. On m’a rapporté plusieurs expériences désastreuses, tant sur le plan humain que technique, avec des studios de mastering parisiens (pas forcément mal notés dans Google) qui emploient des arguments d’autorité fallacieux du genre « je suis l’expert, tu n’y connais rien, le résultat est parfait » alors que les clients ne sont pas conquis par ce qu’ils entendent.
Ça, ce n’est pas acceptable pour deux raisons :
– si le travail est bien fait, le morceau masterisé ne doit pas inquiéter l’artiste car leur musique doit bien sonner sur tous les supports audio, ou doit au moins résoudre des déséquilibres et pas en créer
– si l’artiste n’est pas satisfait, c’est que le résultat n’est pas conforme à ce qu’il avait imaginé, et alors il suffit de dialoguer pour comprendre si le mastering peut être légèrement réajusté, ou mieux écouté car peut-être déjà fini.
La méthode The Queen Is Dead Records
La pédagogie est nécessaire quand on vend un service souvent mal compris, impliquant des normes pas toujours mesurables par le demandeur. C’est la raison pour laquelle je présente ici ma manière de procéder :
1. Vous me transmettez les fichiers mixés au format .wav (sans compression au master si possible)
2. J’effectue les meilleurs traitements possibles qui pourraient faire apparaître des petits déséquilibres provenant du mixage que je ne cherche pas à corriger, et vous transmets une version 1
3. Nous mettons en commun nos remarques sur cette version 1 (vous d’abord, puis ensuite mes observations)
4. Je vous guide sur de légères retouches à effectuer au mixage (si nécessaire), vous me transmettez des fichiers mis à jour
5. Je prends en compte vos avis et remarques, et vous renvoie une version 2 avec le maximum de corrections possibles sur des détails sur lesquels vous n’avez pas pu agir au mixage
6. Nous mettons en commun nos remarques sur cette version 2 (vous d’abord, puis ensuite mes observations)
7. Nous continuerons le travail de manière spiralique, en agissant sur des anomalies de plus en plus discrètes (mais audibles), jusqu’à arriver à satisfaction des deux côtés, dans la limite du raisonnable. Je suis très tolérant, mais nous nous arrêterons à la version 100 maximum !
Vous n’êtes pas qu’un client qui paye pour obtenir un service. En effet, au cours du processus, nous échangerons sur des méthodologies d’écoute, d’arrangement, et sur différents points techniques qui pourront vous aiguiller pour appréhender plus objectivement ce travail de sens critique vis-à-vis de votre propre musique. Cette aventure vous transformera pour toujours, car vous penserez ensuite au mastering dès le début de votre travail : vous voudrez mettre au point des morceaux avec de bons arrangements pour avoir des mixages faciles et des masterings rapides.
S’il vous reste des questions, vous trouverez peut-être des réponses ici. Vous pourrez également envoyer votre question à : laurent.auffret@tqidr.com
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L.A