Collectif, Laboratoire musical, Témoignage

La Rainbow Machine d’Earthquaker et le Royaume de Jérémy

Si on s’est offert la fantastique Rainbow Machine d’Earthquaker pour Noël, c’est un peu à cause de Jérémy. Voici donc un double portrait, pour une pédale et un type qui se ressemblent. Non, Jérémy ne ressemble pas à une pédale, on ne fait pas dans ce genre d’humour ici.

JEREBOW

Personne n’achète la Rainbow Machine au hasard. Ce qui attire, ce sont ses sonorités bizarres. Mais, après un premier test, ce qui frappe avant tout, c’est son étonnante polyvalence. Capable d’un chorus réglable, cette pédale possède aussi un pitch-shifter qui permet de jouer sur la hauteur du chorus de la note jouée tout en activant en même temps un octaveur. Si on veut être exhaustif, on peut aussi configurer la latence du wet mix de manière à avoir un effet slapback. Et, bien sûr, le clou du spectacle, il y a ce bouton « Magic » qui porte bien son nom. Tout comme pour d’autres pédales capables d’effets « singuliers » (la Ravish Sitar d’Electro-harmonix par exemple), on peut être tenté de mettre tous les boutons à fond pour avoir un son aussi caractérisé que possible. C’est bien souvent dans la subtilité que l’on pourra trouver un réglage convenable à une utilisation musicale. Mais on peut aussi vouloir créer des sonorités atonales, bruitistes. Cette pédale fait tout ça sans problème en tout cas.

Voici donc une flash review, la première de la série, qui montre rapidement une sonorité médiane, pas trop discrète mais pas non plus excessive avec, à la fin, un anarchique tournage aléatoire de boutons pour faire se chevaucher plusieurs résultats des algorithmes de la pédale et obtenir des sons détraqués.

Cette machine à arc-en-ciel fait des sons fabuleux et coûte un bras. Mais il est impossible de résister, et c’est la faute à Jérémy de Coffee Saucers qui contamine tout le monde tellement il parle avec passion de ce qu’il aime, et il nous a parlé des pédales Earthquaker. Donc… foutu. Tiens, je vais aller me faire un thé. Une autre de ses passions dont il pourrait parler pendant des heures sans que ça ne soit jamais chiant. Non, Jérémy n’est pas mon père.

Sinon, Jérémy, lui aussi, fait du bruit, et c’est d’ailleurs le premier album de Coffee Saucers, du rock garage fifou, qui a été la première production ici. Souviens-toi, l’été dernier : « Homemade », disponible sur Bandcamp et aussi sur toutes les honnêtes plateformes de streaming de votre quartier (dont les incontournables Spotify, Deezer et iTunes).

Il fait du reuz (expression bretonne, tmtc) également avec Haddock, un groupe de dream-neofolk-punk-shoegaze-hamster qu’on aimerait bien un jour faire enregistrer chez nous (Jérémy, si tu nous regardes, ça fait un an qu’on s’est pas vus). La musique, ça ne se lit pas, ça s’écoute, sur Bandcamp.

Enfin, Jérémy est un rassembleur, un leader, qui n’a pas que des bonnes idées à offrir, mais aussi de l’énergie avec laquelle il réunit et abreuve les artistes, musiciens comme graphistes (en particulier les géniales Roca Balboa et Anna Wanda Gogusey dont il est urgent de suivre les travaux), sous la bannière du collectif/label rennais Désobéissance Records. Il organise des sessions de tatouages et des concerts. Jérémy encourage les gens à avancer, sur leur propre chemin et aussi vers les autres.

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Une de ses dernières trouvailles, le groupe Abram. « Des branleurs qui ne travaillent pas assez leur musique », disait-il l’an dernier en parlant d’eux, entre deux gorgées de thé, lui-même pris entre deux sessions d’enregistrement de l’album « Homemade ». Mais il a cru en eux, et mission accomplie : leur très bon premier EP, Satelisation, est sorti le 5 novembre dernier et est disponible sur le Bandcamp de Désobéissance Records. Ils savent faire exploser les plafonds en live, et sont également capables de pépites de psychédélisme, admirez cette très belle version live de « Prat Coulm » (vidéo passée sans doute un peu à la trappe puisqu’elle a eu le malheur de sortir l’après-midi du triste vendredi 13 novembre dernier) :

Si je vous dis que c’est Jérémy qui m’a donné l’idée et encouragé à faire The Queen Is Dead Records, vous me croyez ou ça fait un peu too much ?

E.C.

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Laboratoire musical, Project studio

Coffee Saucers – « Homemade » (sortie le 22 juin 2015)

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En juin 2014, Jérémy m’a vendu une belle guitare Gretsch à un prix dérisoire. Je lui ai donc promis, pour compenser, que je ferais de mon mieux pour l’aider à enregistrer les morceaux qu’il avait en tête pour son projet de groupe de rock garage. En février 2015, il est donc venu pour que je puisse honorer ma promesse.
Le groupe Coffee Saucers existait virtuellement, ce n’est que quelques semaines plus tard que Jérémy a trouvé son batteur avec qui il allait commencer les concerts en avril. De plus, étant venu en train, Jérémy n’avait emmené que ses pédales, ni son ampli, ni ses guitares. Les contraintes étaient donc multiples.

Il a fallu plusieurs heures pour mettre au point le son de guitare avec lequel j’allais bâtir le son général. A vrai dire, on a enregistré plusieurs fois tous les morceaux, avec différents réglages hasardeux, à partir desquels j’essayais d’extrapoler un champ de liberté pouvant mener au royaume du garage (encore mieux que Midas ou Speedy). Très ambitieux, Jérémy s’est livré à un exercice physique d’une intensité rare : endurance, précision et énergie.

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Pour remplacer sa Jazzmaster et sa Mustang restées à Rennes, il a du s’adapter à ma Stratocaster et ma Telecaster. Les sonorités sont très différentes mais, après tout, toutes les conditions étaient rassemblées pour obtenir quelque chose de totalement hors de contrôle. Les intentions et les intuitions suffiraient. Sans ses guitares, sans son ampli, et sans batteur non plus, la voix de Jérémy était l’élément le plus simple et facile à enregistrer. Pour un album fait-maison, avec les estomacs remplis de cassoulets et de thé, quoi de mieux comme titre que « Homemade » ?
Jérémy avait enregistré ses guitares et ses voix sur une boîte à rythme. Une fois mon camarade reparti en Bretagne, me voilà donc confronté à deux défis techniques : façonner le son des guitares (« je veux que ça soit sale » disait-il), et constituer également une batterie. Après plusieurs sessions d’écoutes de groupes du genre (Dragster, Coachwhips…), j’étais un peu moins en terrain inconnu (« C’est ça le garage ? Ah ok. »). J’avais toujours eu comme obsession d’avoir le son le plus propre possible, les consignes de Jérémy allaient à contresens de tout ce que j’avais pu faire jusque là.


J’ai donc passé plusieurs semaines à tenter plusieurs approches quant à l’utilisation de mon logiciel de batteries, et j’ai beaucoup tâtonné en ce qui concerne le son des guitares. Errant à la recherche de la bonne solution, c’est après avoir vu le film Kung Fury que l’évidence m’arrive : le travail sur la forme générale était primordial, et il fallait garder les titres en mono, sans chercher à avoir un rendu « studio » moderne, ainsi je concentrerais l’énergie au centre pour avoir un résultat péchu, et je m’autoriserais aussi (et surtout) plus de libertés dans le réglage des guitares, sans distinction de placement spatial. Une fois relancé, j’ai poursuivi et achevé le mixage en gardant en tête l’atmosphère que j’ai voulue pour cet album : du sale et de l’authentique, avec de l’énergie, et du re-sale. Il fallait passer un sale quart d’heure à l’écoute de cet album qui dure environ quinze minute, d’ailleurs. La boucle est bouclée.

Coffee Saucers a sorti un trois-titres en août 2014, « Keys », distribué par le productif label de Jérémy, Désobeissance Records. Vous trouverez « Homemade », le premier album du groupe, sur le Bandcamp du label. Admirez toutes ces belles pochettes. C’est la très talentueuse Anna Wanda Gogusey qui a dessiné la pochette de l’album.

C’est avec une immense joie que The Queen Is Dead Records inaugure ainsi son project studio.

E.C.