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L’A-30 de Novanex et l’Arpanoid d’Earthquaker : le choc intergénérationnel

Sur leboncoin, il existe deux sortes de merveilles : il y a l’article dont le prix est tellement bas que sauter sur l’occasion relève tout simplement du bon sens, et il y a l’article très rare sur lequel tu finis par tomber après des mois de recherches désespérées. Double prise en l’espace de quelques jours, avec un ampli plus vieux que les Smiths et une pédale sous champis sortie en octobre 2013.

Novanex A30

J’étais à la recherche d’un ampli de petite taille qui passe dans un sac-à-dos. Comme critère de recherche, j’avais mis 100 euros comme limite de prix, pour éviter les amplis trop gros donc au-delà de ce prix. Un ampli Novanex, l’Automatic A-30, est apparu dans les résultats. Alors non, cet ampli ne passe dans aucun de mes sacs-à-dos. Donc maintenant sur leboncoin c’est un sac-à-dos que je cherche (pas vraiment). Novanex, ça ne vous dit probablement rien du tout, sauf si vous êtes en dépression et que votre psychiatre vous a prescrit le médicament du même nom. Cette marque n’est pas totalement inconnue des internets puisqu’il y a eu des notations (plutôt très positives) sur Audiofanzine pour plusieurs de ses modèles d’amplis. En résumé, c’est un ampli fabriqué dans les années 70 aux Pays-Bas et destiné à l’époque à un public peu fortuné.
Les commentaires lus dans des forums étaient assez flatteurs, vantant notamment l’excellent rapport qualité-prix. Il est vrai que, pour 50 euros d’occasion, on s’attend généralement à un petit ampli avec un gros buzz. Eh bien là, c’est très bon pour le prix. Le son est transparent, les corrections d’EQ sont subtiles et efficaces. On n’a pas un son très typé, mais il est devenu mon ampli d’usage quotidien, petit et léger (deux fois moins volumineux que mon Vox AD50VT que j’aime très fort mais qui demande de la place). Il est posé sur mon piano numérique Korg, sans dépasser.
Le bouton de gain n’est pas très convaincant, ça épaissit le son en le salissant un peu. Je crois que je ne l’utiliserai pas, je préfère de loin le son clair de cet ampli. Certes, il n’est pas aussi cristallin qu’un ampli Peavey ou Fender, mais légèrement feutré et très moelleux à l’oreille. Les HP craquent légèrement quand on pousse le volume, mais ça reste largement honnête, et ça participe au charme de la bête. Comme dirait l’autre, « si c’est vieux et que ça marche, c’est vintage; si c’est vieux et que ça ne marche pas, c’est de la merde ». Si vous en voyez un, n’achetez pas celui vendu d’occasion à 200 euros, il ne faut pas exagérer…

Earthquaker est une formidable marque qui confectionne de robustes pédales d’effets uniques en leur genre. Je pensais que la Rainbow Machine était la pédale la plus folle du monde. Mais l’Arpanoid n’est pas mal dans son genre, voire même peut-être encore plus folle, car encore plus difficilement utilisable. C’était la dernière pédale de ma liste d’achats, et je ne voulais pas l’acheter neuve car les pédales chez Earthquaker coûtent le prix d’une guitare. C’est justifié, mais cher. Mais justifié. Mais cher.
Après plusieurs mois de recherches, je l’ai enfin trouvée, ce qui n’était pas une mince affaire puisque cette pédale est relativement récente, et pas si populaire. Décrite comme un polyphonic pitch arpeggiator, cette pédale génère 8 développements harmoniques différents, dont on peut gérer la richesse (le nombre de notes générées avant de retourner à la note de départ) et la vitesse. C’est tellement incroyable que, même en l’ayant entre les mains pendant une heure, on ne peut pas mesurer l’exact champ de possibilités de la machine.
Il va sans doute me falloir plusieurs heures pour découvrir le potentiel de l’Arpanoid. Et une fois que j’aurai une idée plus précise de tout ce que je peux faire en théorie, le défi sera de passer à la pratique. Chaque pédale d’Earthquaker est une nouvelle occasion de sortir de sa zone de confort. Les pédales intuitives sont attractives, mais l’outil qui semble contre-intuitif élargit la créativité en contraignant l’artisan à créer un autre chemin mental entre l’intention (l’idée) et « une » réalisation, une production que l’on peut considérer comme un résultat. Un matériel trop facile à maîtriser peut nous enfermer dans une forme de routine intellectuelle. Le confort technique conduit fatalement à se répéter. Sans prise de risque, on ne peut qu’essayer d’égaler ce qu’on a déjà fait. A moins que l’on essaye d’utiliser d’une manière inédite le matériel que l’on possède déjà, l’acquisition de nouveaux outils inspire de nouveaux chemins.

Pour tester cette pédale révolutionnaire aux sonorités modernes et inattendues, rien de tel qu’un bon vieux Novanex des années 70. Et le grand écart se passe plutôt bien :

E.C.

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La Rainbow Machine d’Earthquaker et le Royaume de Jérémy

Si on s’est offert la fantastique Rainbow Machine d’Earthquaker pour Noël, c’est un peu à cause de Jérémy. Voici donc un double portrait, pour une pédale et un type qui se ressemblent. Non, Jérémy ne ressemble pas à une pédale, on ne fait pas dans ce genre d’humour ici.

JEREBOW

Personne n’achète la Rainbow Machine au hasard. Ce qui attire, ce sont ses sonorités bizarres. Mais, après un premier test, ce qui frappe avant tout, c’est son étonnante polyvalence. Capable d’un chorus réglable, cette pédale possède aussi un pitch-shifter qui permet de jouer sur la hauteur du chorus de la note jouée tout en activant en même temps un octaveur. Si on veut être exhaustif, on peut aussi configurer la latence du wet mix de manière à avoir un effet slapback. Et, bien sûr, le clou du spectacle, il y a ce bouton « Magic » qui porte bien son nom. Tout comme pour d’autres pédales capables d’effets « singuliers » (la Ravish Sitar d’Electro-harmonix par exemple), on peut être tenté de mettre tous les boutons à fond pour avoir un son aussi caractérisé que possible. C’est bien souvent dans la subtilité que l’on pourra trouver un réglage convenable à une utilisation musicale. Mais on peut aussi vouloir créer des sonorités atonales, bruitistes. Cette pédale fait tout ça sans problème en tout cas.

Voici donc une flash review, la première de la série, qui montre rapidement une sonorité médiane, pas trop discrète mais pas non plus excessive avec, à la fin, un anarchique tournage aléatoire de boutons pour faire se chevaucher plusieurs résultats des algorithmes de la pédale et obtenir des sons détraqués.

Cette machine à arc-en-ciel fait des sons fabuleux et coûte un bras. Mais il est impossible de résister, et c’est la faute à Jérémy de Coffee Saucers qui contamine tout le monde tellement il parle avec passion de ce qu’il aime, et il nous a parlé des pédales Earthquaker. Donc… foutu. Tiens, je vais aller me faire un thé. Une autre de ses passions dont il pourrait parler pendant des heures sans que ça ne soit jamais chiant. Non, Jérémy n’est pas mon père.

Sinon, Jérémy, lui aussi, fait du bruit, et c’est d’ailleurs le premier album de Coffee Saucers, du rock garage fifou, qui a été la première production ici. Souviens-toi, l’été dernier : « Homemade », disponible sur Bandcamp et aussi sur toutes les honnêtes plateformes de streaming de votre quartier (dont les incontournables Spotify, Deezer et iTunes).

Il fait du reuz (expression bretonne, tmtc) également avec Haddock, un groupe de dream-neofolk-punk-shoegaze-hamster qu’on aimerait bien un jour faire enregistrer chez nous (Jérémy, si tu nous regardes, ça fait un an qu’on s’est pas vus). La musique, ça ne se lit pas, ça s’écoute, sur Bandcamp.

Enfin, Jérémy est un rassembleur, un leader, qui n’a pas que des bonnes idées à offrir, mais aussi de l’énergie avec laquelle il réunit et abreuve les artistes, musiciens comme graphistes (en particulier les géniales Roca Balboa et Anna Wanda Gogusey dont il est urgent de suivre les travaux), sous la bannière du collectif/label rennais Désobéissance Records. Il organise des sessions de tatouages et des concerts. Jérémy encourage les gens à avancer, sur leur propre chemin et aussi vers les autres.

Jere
Une de ses dernières trouvailles, le groupe Abram. « Des branleurs qui ne travaillent pas assez leur musique », disait-il l’an dernier en parlant d’eux, entre deux gorgées de thé, lui-même pris entre deux sessions d’enregistrement de l’album « Homemade ». Mais il a cru en eux, et mission accomplie : leur très bon premier EP, Satelisation, est sorti le 5 novembre dernier et est disponible sur le Bandcamp de Désobéissance Records. Ils savent faire exploser les plafonds en live, et sont également capables de pépites de psychédélisme, admirez cette très belle version live de « Prat Coulm » (vidéo passée sans doute un peu à la trappe puisqu’elle a eu le malheur de sortir l’après-midi du triste vendredi 13 novembre dernier) :

Si je vous dis que c’est Jérémy qui m’a donné l’idée et encouragé à faire The Queen Is Dead Records, vous me croyez ou ça fait un peu too much ?

E.C.