Collectif, Label, Project studio

2016, une année de reprises : TQID #2 / « A House » – Doves

Après « Like Spinning Plates » de Radiohead le mois dernier, la deuxième reprise est un titre de Doves. En 2002, je tombe sur leur deuxième album, « Last Broadcast », portant le sticker « le nouveau Radiohead » sur la jaquette. OK, dans un premier temps, on se dit que leur musique est peut-être en effet aussi créative que celle de Radiohead. Et puis après on se dit que non, leur musique n’a rien à voir, elle est vraiment plus pop. Bon, finalement, Doves est un groupe unique, qui réussit à conjuguer accessibilité et expérimentations, avec des sonorités toujours très riches en couleurs et des filtres inattendus sur les claviers, guitares, percussions et les voix. Parfois, on est même tellement dérouté que l’on n’a pas la moindre idée de l’instrument que l’on entend. Certains titres donnent l’aspect d’un collage, brutalement beau et poétiquement stylisé, un peu à la manière de leur merveilleux clip « There Goes The Fear ».

Dans un monde parallèle, je suis certain que Doves s’appelle Phoenix. Non pas que les deux groupes de cet univers-ci aient une musique semblable, mais l’histoire du premier justifierait ce nom. Autrefois, Jimi Goodwin, Jez et Andy Williams (frères jumeaux), avaient un groupe de dance/house, Sub Sub. Ils ont connu une relative notoriété et ont collaboré avec notamment Bernard Sumner (de New Order) et sont arrivés numéro 3 au top des ventes de singles au Royaume-Uni en 1993 avec « Ain’t No Love (Ain’t No Use) ». Il y a presque vingt ans jour pour jour, le 18 février 1996, Jez et Andy fêtent leurs 26 ans. C’est aussi ce jour-là qu’un incendie dans leur studio d’Ancoats détruit tout leur matériel et leurs enregistrements. Le groupe prometteur voyait son avenir s’assombrir d’un coup. Leur premier album, « Lost Soul », sorti en 2000 sous leur nouveau nom de groupe, Doves, montre un tout autre visage. De dance commerciale légère, on passe à un groupe de rock alternatif, bien plus grave et profond.

doves
On a quasiment switché d’Ace of Base à Blur, dans l’esprit. Il y a désormais une batterie, des guitares, et Jimi devient le chanteur principal, de temps en temps épaulé par Jez aux chœurs (il arrive qu’Andy ou Jez chante également, avec Jimi aux chœurs). En tournant la page Sub Sub, le groupe se tourne vers des sonorités davantage dans la lignée de leurs modèles, le Velvet Underground et les Smiths. L’incendie de leur studio a laissé des traces. En effet, dans leurs chansons, on retrouve très souvent la thématique du feu, dans « Firesuit », « Walk in Fire », « Friday’s Dust », et également dans « A House » où l’on entend le bruit des flammes au tout début, suivi des premiers mots : « It was a day like this and my house burnt down ».

Mélissandre L est une multiécrivaine, une confectionneuse de fictions mêlant sans mal naturalisme, sociologie, fantastique et humour (et j’oublie là la majorité des styles dont elle est capable). Cette bavarde tout-terrain à l’écrit a également des choses à dire tout haut. Entendue pour la première fois lors d’une prestation publique dans la cave d’un bar parisien, j’ai tout de suite voulu la pousser devant les micros de The Queen Is Dead Records. Le choix du titre à reprendre s’est fait spontanément. L’univers de Mélissandre ressemble à l’univers de Doves, délicat et parfois sombre, ambitieux et pop. « A House » me hantait depuis 2002, il fallait donc que j’en fasse quelque chose, que je m’y confronte directement, une fois pour toute. Et puis, le hasard fait bien des choses, puisque j’avais oublié le thème de la chanson quand je l’ai proposée à Mélissandre. Et il se trouve que, tout comme les membres de Doves, elle-même a connu un incendie. La boucle est bouclée.

Vous pouvez trouver le morceau sur Bandcamp et Soundcloud.

E.C.

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