Laboratoire musical, Project studio, Témoignage

La recherche d’objectivité dans le travail sur le son

Après la subjectivité et le hasard de la récolte de matière première sonore, arrive l’étape du mixage avec ses problématiques. Comment faire pour obtenir un résultat audible, voire – soyons ambitieux – plébiscité par le maximum de gens ? A la recherche de normes, c’est à son oreille peu fiable qu’il faudra s’en remettre. Voici quelques réflexions pour tenter de dégager une méthodologie entre spontanéité et travail.
LES LIMITES ARTISTIQUES : L’IMPOSSIBLE UNANIMITÉ
On n’a jamais exactement les mêmes pistes à mixer, on ne peut donc pas dupliquer à l’infini des décisions et les mêmes réglages pour avoir le même résultat. Ce qu’il faut rechercher, c’est plutôt un état d’esprit de flexibilité pour s’autoriser une marge de manœuvre, un panel de décisions possibles à l’échelle de la piste/de l’instrument, et aussi du morceau (qui est la somme des choix faits pour chaque instrument). Même après un enregistrement qui capte de manière orientée et limitée la performance musicale, il reste plusieurs choix possibles à tous les niveaux et aucune vérité absolue car il s’agit d’art. Dans cet océan de possibilités non-dogmatiques, le juste milieu consiste aussi en la capacité d’opter pour une décision plutôt qu’une autre. Une décision qui exprime avec la plus grande précision l’intention qui a initié la création.
Si tout est possible objectivement, comment décider d’une subjectivité plutôt qu’une autre ? Sans aucune limite décidée, on ne peut choisir d’avancer dans la moindre direction. La liberté artistique doit en effet être encadrée par des limites que l’on pose soi-même. D’autres personnes auraient faits d’autres choix. Faire l’unanimité est impossible car il n’y a pas de meilleur choix qu’un autre, il n’y a que des choix personnels. Si vous voulez à tout prix des sonorités qui plaisent, ne perdez pas votre temps sur des points futiles. Certaines décisions que vous prendrez n’auront aucune incidence sur l’écoute d’un auditeur lambda.
LES LIMITES ORGANIQUES : LE POSSIBLE COMPROMIS
Pour le fond (les décisions artistiques), on est assez libre. Pour la forme (la mise-en-œuvre technique), il y a tout de même quelques impératifs à honorer. A quoi bon travailler de la musique si elle est inaudible, douloureuse à écouter ? Le but principal est que votre musique soit écoutable, non ? D’accord, si on pousse un peu plus la réflexion, on peut questionner cette idée et se mettre à faire de la musique en ultrasons. C’est comme on veut, mais on ne touchera que les dauphins. On ne peut pas juger cette décision, si c’est ce que vous voulez vraiment. Si vous voulez que votre musique ne soit pas audible, ce serait un échec qu’elle le soit…
L’humain dispose d’une audition élastique : entre 20 hz et 20 000 hz, l’oreille s’adapte au son qu’elle perçoit, notamment par l’intermédiaire du réflexe stapédien qui fait office de compresseur naturel, qui baisse la sensibilité aux forts volumes pour éviter une blessure de l’oreille interne. La nature plastique de notre système de perception nous permet une adaptabilité, certes, mais ce n’est pas parce que l’on peut faire l’effort que l’on doit faire cet effort. L’idéal reste de solliciter le moins possible ce travail mécanique de l’oreille de l’auditeur qui pourrait épuiser voire même détériorer l’audition. Le travail de production musicale consiste en la recherche d’un compromis acceptable physiquement qui soit également qualitatif artistiquement. Si on veut ne pas blesser l’oreille, on peut mettre un volume très bas, avec beaucoup de basses fréquences qui masqueraient les instruments, les mélodies, et on n’entendrait finalement plus rien. Ne rien entendre est une bonne solution pour ne pas se blesser, oui, bien joué !
L’OREILLE N’EST PAS FIABLE
On sait tous comment pourrait sonner grosso modo une guitare ou un piano en son direct dans son oreille… Encore faut-il pouvoir se souvenir précisément de cette sensation pour la restituer le plus fidèlement possible après un enregistrement, au mixage. Trouver le juste milieu est en effet une tâche difficile, car, du fait de l’élasticité de l’audition humaine, l’objectivité auditive n’existe tout simplement pas.
Est-ce que votre caisse claire n’est pas trop sourde, est-ce que la voix ne manque pas un peu de chaleur ? Pour adopter une perspective d’écoute aussi « objective » que possible, il faut s’appuyer sur des références sonores : des morceaux que vous connaissez bien, qu’importe le style, que vous écoutez depuis longtemps ou souvent, et que vous trouvez équilibrés au niveau des fréquences (dont vous aimez les sonorités), que ce soit pour certains instruments ou en général.
Dans un premier temps, il s’agit donc de définir des normes, pour ne pas faire n’importe quoi en se basant uniquement sur son point de vue (ou point d’écoute) ponctuel et temporaire et potentiellement déformé, soit par l’oubli de la sensation auditive recherchée, soit par une altération de son organe d’audition causée une sollicitation antérieure qui influence et modifie les points de repère. C’est souvent un peu les deux en même temps, puisqu’il est difficile (impossible ?) de conserver à la fois un souvenir net d’une image sonore et deux oreilles « pures » qui permettraient de la retrouver. L’oreille humaine a une grosse capacité d’adaptation, c’est ce qui la rend peu fiable dans l’absolu.
Si vous êtes content de ce que vous entendez, c’est bien, mais est-ce que ça vous ira demain, après-demain, le mois prochain ? Et qu’en penseront les autres ? Dans l’idéal, le morceau doit résister au maximum de perspectives, multiples selon les auditeurs et variables pour soi-même selon les moments. Pour ce faire, faites le test d’écoutes comparatives : si vous écoutez votre morceau entre deux autres morceaux professionnels (peu importe le style) considérés comme réussis, y a-t-il un contraste manifeste ? Evidemment, si vous comparez un morceau de John Lennon et de David Guetta, aucun des deux ne semblera calibré par rapport à l’autre. On ne peut pas choisir ses références au hasard ! Choisir une référence, c’est prendre modèle et s’inscrire dans un certain courant de pensée.
CHOISIR SES RÉFÉRENCES
Chaque norme est un parti pris, chaque public a une norme. C’est en s’inscrivant dans une perspective reconnaissable par une majorité d’auditeurs que l’information musicale pourra être ensuite acceptée par le plus grand nombre. Ici, il n’est pas question de coller à des références artistiques, mais de s’appuyer sur des références acoustiques, pour faire sonner son morceau de manière aussi raisonnable que possible… raisonnable selon son propre jugement : on ne peut que faire de son mieux, et chacun sera sensible à certains aspects sonores plutôt que d’autres, selon la « qualité » de son oreille, sa précision et son conditionnement. L’équilibre des sonorités n’a a priori rien à voir avec le style, qui dépend de l’usage des instruments générant ces sonorités. Toutefois, il est vrai qu’il y a des courants de pensée et des façons de faire propres à certains genres musicaux, et que l’on peut faire des recoupements entre des styles et des normalisations sonores particulières. Mais chacun fera comme il le souhaite, sans devoir forcément se soumettre à ces principes.
Il y a des sonorités typiques de certains styles et époques : la caisse claire cartonneuse de new wave des années 80, la caisse claire west coast red-hot-chili-pepperesque des années 90, la présence à outrance du kick et des basses en général pour l’électro-house des années 2010, une guitare folk chaleureuse avec du corps en folk des années 70 et qui sera plutôt maigrelette en pop moderne, un travail particulier sur la dynamique pour les musiques électroniques qui passent en clubs… Ces sonorités n’ont jamais appartenu à la moindre objectivité sonore, c’est juste un choix artistique, ou un choix technique qui représente le meilleur compromis possible pour obtenir un résultat acceptable pour l’oreille humaine par rapport à un concept musical abstrait qu’on avait en tête ou par rapport à une base « réaliste » d’un morceau exécuté en « live ».
Le résultat n’est pas une égalité parfaite entre les deux morceaux. Mais la référence tire le morceau dans une direction, le rapprochant donc d’une norme choisie subjectivement, en fonction de sa culture et de son envie. Pour choisir le meilleur modèle selon le style, il est donc vital d’avoir une large palette de références, donc d’enrichir sa culture musicale sans estimer avoir tout entendu et tout savoir.
L’OREILLE AURA LE DERNIER MOT
Quand on regarde une courbe de fréquences, on n’a qu’une information quantifiable, scientifique, pas artistique. La différence entre un bon choix et un mauvais choix ne se mesure qu’à l’oreille… subjective. On peut se faire piéger par ses yeux : le son ne se voit pas. Toutefois, en cas de problème perceptible par l’oreille, ce sont les yeux qui peuvent compenser une imprécision d’audition. Les vu-mètres sont là pour aider, mais ces outils ne permettent de constater que des problèmes diagnostiqués par l’oreille, comme des saturations, des chevauchements panoramiques, etc. Les yeux ne peuvent pas valider la justesse d’un son à eux seuls.
Un son est musical quand il n’est pas un bruit, c’est-à-dire désagréable car douloureux, nécessitant une action musculaire des oreilles pour se protéger. Trop de basses contraignent à faire un effort pour repérer les autres sonorités, fatiguent et donnent l’impression d’avoir les oreilles bouchées. Trop de hautes fréquences percent les oreilles et donnent envie de se boucher les oreilles pour les filtrer. Le but d’un travail de musicalité, c’est de trouver un juste milieu acceptable par le plus grand nombre de personnes possible. Il n’est pas ici question de technique instrumentale ni de style musical. Le son doit être le plus équilibré possible pour que le maximum d’informations musicales soit perçu à l’écoute, sans blesser l’oreille.
La musicalité implique un équilibre global entre fond et forme, un équilibre qui dépend des instruments jouant simultanément, organisés et assemblés dans un cadre en trois dimensions : les fréquences, le volume et l’espace. Autrement dit : la forme, la taille et le positionnement. Et tout l’art du mixage réside en l’équilibre entre chaque élément en faisant le moins de sacrifices. Réaliser un bon mixage, c’est sculpter, tailler les pièces du puzzle pour qu’elles s’emboîtent toutes les unes dans les autres pour qu’à la fin l’image entière corresponde à l’intention.

Comment réussir un mixage ? La vérité ne se trouve dans aucun livre, elle est… en vous-même. Je vous entends déjà, mais non, ce n’est pas un poncif creux : on est dans un domaine artistique, et si votre sensibilité oriente les choses, c’est vous qui décidez quand c’est fini : quand le résultat est conforme à vos attentes. Faites le point sur votre sensibilité, respectez-la, et vous saurez mesurer votre capacité à assumer un résultat dans la durée sans y retourner chaque mois pour y modifier un détail.
Il faut savoir mettre un point final à ce que vous avez commencé, malgré l’évolution de votre idée, de votre ressenti, malgré la fatigue et la lassitude également. Une bonne idée peut sembler moins bonne après plusieurs heures de travail. Faut-il changer la direction ou changer de perspective pour revenir à l’idée de départ ? Pour éviter la fatigue de l’audition et du jugement, il faut travailler vite ! Et choisir l’équilibre entre spontanéité et méthode.

E.C.

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Une réalité trop grande à enregistrer

La réalisation d’un album, d’un EP, ou même d’un seul titre, est un véritable parcours du combattant d’un point de vue technique, et un pénible parcours initiatique d’un point de vue philosophique. Une chose est sûre : il n’y a pas d’objectivité donc la perfection n’existe pas. On ne peut qu’essayer d’orienter le tout dans une direction subjective et évolutive, au fil des différentes étapes de la production. Dans tous ces méandres de perceptions et perspectives, comment faire de son mieux, où trouver le juste milieu ?

LA PRISE DE SON : UNE RÉCOLTE D’INFORMATIONS
L’enregistrement n’est pas une formalité, on ne peut pas tout rattraper au mixage. Il faut donc bien penser aux méthodes et au matériel pendant la préproduction afin de mettre toutes les chances de son côté au moment de la phase de production. A moins que vous n’ayez prévu d’enregistrer dans des conditions que vous maîtrisez déjà.
Chaque type de micro a sa propre réponse en fréquence. Tous les micros n’ont pas la même sensibilité. A partir de ce constat, on aboutit naturellement à la conclusion qu’un enregistrement est une captation partielle d’un signal sonore. Il faut donc choisir des micros, décision qui revient indirectement à choisir quelles fréquences on va garder et lesquelles on va rater. A titre indicatif, pour les enregistrements de voix, j’utilise deux micros, à la fois un PG42 de Shure, un micro à condensateur (ou électrostatique) particulièrement doué pour la précision du contour et des aigus, et un RB500 de t.Bone, un micro à ruban qui est plus sensible à la définition de la texture et des basses. C’est sans doute superflu d’utiliser deux micros, mais c’est la façon la plus sécurisante pour moi d’enregistrer.  Un seul bon micro bien placé suffirait probablement !
Il ne faut pas non plus oublier la propriété physique du son, qui est une onde en mouvement, une onde à la fois véhiculée et caractérisée par les matériaux qu’elle traverse, et altérée au fur et à mesure de sa distance parcourue. Le son n’est pas perçu de la même façon selon le point où l’on se trouve, et il faut bien décider d’un endroit où placer le micro ! Un même micro collé à un ampli guitare, ou à 30 centimètres en face, ou sur les côtés, ne captera pas du tout le même son. Si l’on cherche une restitution authentique du son, fidèle à ce qu’on entend en direct/live, le plus évident est de placer le micro à l’endroit où l’oreille humaine capterait selon vous le son perçu comme étant le plus riche. Subjectivement, car ceux qui mesurent 1m60 ne percevront pas le son de la même façon que ceux qui mesurent 1m90. Par ailleurs, la nature du son variera aussi forcément d’une fois sur l’autre même s’il sort du même instrument joué par le même instrumentiste. Il n’y a pas qu’une seule forme d’authenticité, ce concept est juste l’idée d’un résultat possiblement réaliste, ou reconnaissable comme tel à partir d’un point de vue.
L’enregistrement est donc une opération de captation subjective et partielle d’un son émis d’une manière particulière et singulière. Un enregistrement est inévitablement orienté par une suite de choix dans un monde aléatoire ! Et ce n’est pas fini !

mics

MIXAGE : SOUSTRAIRE POUR RAFFINER
Une fois l’enregistrement réalisé, on continuera de perdre de l’information au mixage, en nettoyant et façonnant les pistes pour en révéler les éléments-clés pour chaque instrument. Pour ce faire, il semble plus logique (avec un EQ) de gommer les éléments superflus que d’accentuer ce que l’on veut mettre en avant. Enlever l’inutile permet de mieux maîtriser l’espace sonore qui serait vite encombré de fréquences gênantes, comme les très basses fréquences pour une flûte irlandaise par exemple, qui occuperaient discrètement cette piste. Ajoutées aux très basses fréquences d’autres pistes, on arrive rapidement à un épais brouillard. D’où l’intérêt de ne pas avoir trop de pistes à mixer pour chaque morceau… Less is more, comme on dit !
imaginez une rangée de dix vitres alignées, chacune étant légèrement opaque . Si on regarde au travers d’une seule de ces vitres, on voit quasiment parfaitement au travers. Mais si on se place dans l’axe des dix vitres pour regarder à travers elles, on s’aperçoit que l’image est bien plus terne.  Pour éviter cet effet de masque qui obstrue la vision,  il faut bien nettoyer ces vitres, chaque vitre. Idem avec le son. Les fréquences disparues de certaines pistes seront donc occupées par ces mêmes fréquences venant d’autres instruments. L’idée grosso modo est de ne garder que des couleurs distinctes pour chaque piste, en tronquant des bouts des plages de fréquence qui seront plus intéressantes pour certains instruments que pour d’autres.
Ces opérations sont à effectuer dans la limite du raisonnable, bien sûr, pour ne pas dénaturer chaque piste et jouer à Tétris, tel un  maniaque de la géométrie, avec des pistes amputées totalement de la moitié de leur matière. En plus de l’EQ, il y a la compression qui pourrait, en tant que traitement du son, aussi bien révéler les qualités que détruire vos pistes. Voilà donc le défi : réussir à raffiner plutôt que détériorer.

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EVITER PUIS EXPLOITER LES ERREURS
L’enregistrement est une récolte de matière première. Plus elle est qualitative, moins l’on souffre de travailler à la raffiner au mixage. Un instrument que l’on considère comme mal enregistré ne pourra pas être poli comme prévu. Son traitement sera donc orienté par la qualité du son qui aura aussi immanquablement une incidence sur les choix pour les autres pistes, au nom de la cohérence globale du morceau. On ne fait pas avec ce qui était prévu, on fait avec ce qu’on a. On peut chercher à sauver des pistes mal enregistrées, on peut le tenter, et on peut réussir. En 1 minute ou en 10 heures… Parfois on n’y arrive juste pas du tout. L’expérience fait prendre conscience que l’on peut perdre un temps fou à vouloir réparer les choses, en vain. On ne peut pas fabriquer un bijou en or à partir d’excréments. Encore faut-il bien analyser la nature du matériau de départ. Au lieu de bricoler pendant des heures, si vous en avez la possibilité, par pitié, réenregistrez ! Et si vous ne le pouvez pas, apprenez de vos erreurs pour faire mieux la prochaine fois ! Les erreurs sont utiles et nécessaires pour rectifier ses méthodes.
L’erreur peut être aussi l’occasion d’avoir une inspiration particulière, ou de tester sa résistance à l’imperfection. Les choix artistiques seront donc orientés par la moisson réalisée à l’enregistrement. Rares sont les prises de son précisément conformes à l’idée que l’on s’en faisait… et tant mieux, car l’alchimie sonore et l’inspiration sont des choses qui dépassent la capacité d’anticipation de l’humain. Il y a des méthodes pour réussir une prise de son, mais il n’y a pas de recette pour réussir de la même façon à chaque fois. Même si les conditions d’enregistrement étaient (semblaient être) exactement les mêmes, les prestations des instrumentistes seraient fatalement différentes.
L’erreur est quelque chose d’involontaire : si elle était volontaire, elle ne serait pas une erreur. L’erreur n’est donc pas quelque chose de mauvais par essence. C’est parfois une déception de laquelle il faut se relever, soit en réenregistrant (j’insiste sur cette option qui serait tellement un impératif si on pouvait se le permettre !), soit en s’accommodant de ce que l’on a pour en faire le meilleur usage possible. Mon côté optimiste et curieux de terrains inconnus me pousse même à apprécier tout particulièrement les accidents, jusqu’à compter sur eux en tant qu’incontournables sources d’inspiration. Un accident crée un exercice (de style) dans un univers où la liberté totale serait limitée par sa propre imagination.

Il y a un quota d’erreurs au-delà duquel vous serez toujours plus ou moins satisfait de votre travail. Certaines erreurs à l’enregistrement seront des bénédictions car ce seront de heureux hasards à partir desquels vous allez pouvoir réviser vos inspirations, vos buts. Le hasard ravive l’intérêt que l’on porte sur son travail, donc les surprises sont les bienvenues. L’inattendu est un terrain supplémentaire que l’on peut explorer avec excitation… quand on n’est pas un control-freak. Mais, vous savez quoi ? La perfection n’existe pas, et il y a des résultats dont vous serez plus fiers que d’autres, c’est normal. Il est tout de même important de commencer et de finir vos projets, pour accumuler de l’expérience et aussi tout simplement faire exister votre art ou l’univers de quelqu’un pour qui vous travaillez. Que vous soyez fan ou pas de votre propre travail. Toutefois, au nom du principe de subjectivité, vous pouvez être sûr que, quelque part sur la planète, au moins une personne sera capable d’aimer ce que vous avez fait, quelle qu’en soit la qualité que vous reconnaissez à votre propre travail. Alors ne soyez pas si dur avec vous-mêmes, ne vous empêchez pas d’avancer à cause de complexes que vous entretiendrez par votre inaction.

E.C.

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Les presets (ou préréglages) : solution de facilité ?

Un paramétrage (EQ, compression, réverb…) est une réponse à une situation, un traitement de cette situation par rapport à un but. Une fois passé la méthode du « je mets tout à fond » ou « je fais tout au hasard » (quand on n’a pas encore entrepris d’étudier les outils de mixage), on peut trouver des réglages précis et cohérents. Mais ça peut être long et laborieux. Heureusement, on peut sauvegarder un réglage dont on est satisfait, pour le réutiliser plus tard dans un autre morceau. Oui, un bon réglage pourrait bien fonctionner ailleurs.

Blog - comp
On peut parfois voir, dans les plugins de séquenceurs/DAW, des presets ayant comme intitulé « piano », « voice » ou « kick ». S’il y a une bonne solution toujours efficace pour chaque instrument, alors il suffit de trouver la recette… Mais ce n’est pas si simple, et heureusement ! Un instrument n’est pas une situation, c’est un élément d’une situation à appréhender dans son ensemble. Toutes les voix, les grosses caisses, les guitares électriques ne sont pas les mêmes. Il y a aussi plusieurs façons de jouer d’instrument. Et il y a l’embarras du choix des méthodes de prise du son.
En fonction du timbre naturel de l’instrument (et éventuellement de son ampli, et des pédales d’effets), de la technique utilisée (notes longues, notes étouffées, hauteur des notes) et des conditions d’enregistrement (nombre et type de micros, lieu d’enregistrement), le matériau sonore qui arrive au mixage est pratiquement imprévisible. Il y a toujours des imprévus, et parfois des accidents. Et il faut faire avec ce que l’on a réellement, pas ce que l’on espère. Il est donc difficile d’être sûr qu’un préréglage, établi à partir d’une autre situation, pourrait fonctionner dans un autre contexte.
Un préréglage peut toutefois être un point de départ utile, surtout si les matériaux sonores sont similaires. Et si ce n’est pas le cas, ça peut permettre de se faire une opinion du paramétrage à faire en écoutant des paramétrages qui ne fonctionnent pas, ou qui fonctionnent presque. Après avoir passé en revue plusieurs possibilités, on se fait une meilleure opinion de ce qui fonctionnerait le moins mal ou, soyons fous, le mieux. Par ailleurs, si aucun paramétrage ne semble convenir, c’est peut-être que le matériau sonore n’est pas calibré pour le traitement. Au bout d’un moment, si aucun réglage ne permet de trouver une solution acceptable, il faudra se demander si ce n’est pas l’enregistrement qui est en cause : peut-être faudra-t-il réenregistrer, alors avec une autre méthode de prise de son ou d’exécution instrumentale. La qualité du son traité dépend à 91,3% (je blague, là) de la qualité lors de l’enregistrement. Il peut arriver qu’on puisse sauver une mauvaise prise de son (ou avoir l’impression d’avoir réussi à le faire), mais il est évidemment plus agréable de faire de l’art plutôt que de la chirurgie réparatrice.
Pour ceux qui, moins souples, veulent à tout prix un rendu sonore spécifique et exactement conforme à un modèle, avec un preset particulier, il faudra retrouver scrupuleusement les mêmes conditions d’enregistrement. Il faudrait placer les mêmes micros exactement au même endroit devant exactement le même instrument ou ampli réglés exactement de la même façon et exécuter le geste avec la même technique. Rien n’est impossible, il faudra juste avoir une photo de la disposition de chaque élément et avoir un instrumentiste de grande qualité. Et pas d’imprévus !

Kramer

On peut être perfectionniste, mais la perfection n’est pas de ce monde.  Ce que l’on peut faire, c’est essayer de déterminer objectivement quelle est la méthode la plus appropriée par rapport au but esthétique déterminé subjectivement. L’objectif dans le subjectif. Prendre la bonne décision (selon ses critères personnels) est tout ce qui importe. La façon d’arriver à cette décision est juste le problème de l’artisan aux manettes. Pour les auditeurs, seul le résultat compte. Mais, avant toute chose, quand on applique un traitement sur un enregistrement, il faut avoir un but pour ce traitement. Comme le dit Graham Cochrane, un traitement est une dégradation sonore d’une piste (on y retire des informations d’énergie, de fréquences, etc), alors avant d’ôter toute l’authenticité de la piste, vérifions si la dégradation est pertinente !

E.C.