Au dernier moment ! On est le mercredi 30 novembre et c’était le dernier jour pour publier la reprise du mois. La faute à une longue préparation suivie d’une malheureuse gorge enrouée (réparée par un fabuleux cocktail à base de rhum/soja à la vanille/citron vert/miel de thym). Mais la voici ! La 11ème reprise de l’année est la première que j’ai voulu faire. Après quelques reprises « moins compliquées » pour me donner confiance, j’ai enfin osé solliciter la grande Lorène Aldabra pour reprendre un duo méconnu (sauf des spécialistes) de Jeff Buckley et Elisabeth Fraser.
Ce mois-ci, nous fêtons le 50ème anniversaire de la naissance de feu Jeff Buckley. Je l’ai découvert à la chorale de la fac, en 2004, presque 7 ans après sa tragique noyade. Quand il a fallu chanter « Hallelujah », je m’attendais à une chanson religieuse lourdingue, j’avoue. Pour la travailler, je me suis procuré l’album Grace. Au début, je n’étais pas fan du tout de sa voix. Jusque là, j’avais toujours été un amateur de chanteurs aux voix plutôt nasales plaintives : Thom Yorke, James Walsh (Starsailor), Tom McRae… Et puis, en travaillant sa version de « Hallelujah », j’ai appris à comprendre sa voix, et ce qui le différenciait de mes précédents modèles.
A partir de là, je me suis mis à écouter Jeff en boucle, à me procurer tous ses albums post-mortem, live ou studio, à regarder – non – étudier son DVD live à Chicago, le premier sorti dans le commerce. Ses positions de tête, de doigts, et les conséquences que cela avait sur les sons qu’il sortait de sa gorge et sa guitare. Je voulais comprendre pour apprendre. Que c’est difficile (et complexant) de prendre un tel modèle… Mais c’est motivant, car sa palette est tellement large et son esprit tellement élevé qu’il peut enseigner énormément de choses, encore aujourd’hui, presque 20 ans après sa mort.
Grâce aux internets, on peut être exhaustif dans ses recherches. J’ai pu enquêter sur sa famille, sur sa vie privée, et sa couleur préférée était le vert. Non, je plaisante. Enfin, je ne sais pas, peut-être bien, je ne ferai pas de recherche Google là-dessus (en fait je viens de jeter un œil vite fait, je n’ai rien trouvé de fiable). J’ai appris qu’il avait un père, Tim Buckley, prématurément mort, qui avait connu un relatif succès underground (bonjour l’oxymore) dans le milieu de la folk, du jazz psychédélique et funk expérimental, et qu’une certaine Elizabeth Fraser avait repris en 1983 une de ses chansons.
Jeff et Liz ont eu une relation qui a débouché sur une collaboration musicale dont on n’a pas pu entendre beaucoup de fruits. En 2006, au hasard de mes recherches, je suis tombé sur « All Flowers In Time Bend Towards The Sun ». Dans une interview de 2009, Liz ronchonne un peu à ce propos d’ailleurs : « Pourquoi est-ce que les gens ont besoin de tout entendre ? (…) Ce n’est pas une version terminée, je ne veux pas qu’on entende ça… Peut-être qu’un jour je changerai d’avis. »
Dans la suite de cette interview, Liz se confie sur leur éloignement, Jeff totalement dédié à ses concerts et elle qui aurait manqué de compréhension, presque jalouse de la relation qu’il entretenait avec la musique. Elle nous apprend qu’elle avait écrit les paroles de « Teardrop » en pensant à lui, chanson qu’elle était justement en train d’enregistrer avec Massive Attack quand elle a appris sa mort. C’est triste, merde.
Pour faire honneur à cette chanson restée au stade de brouillon, je voulais en faire une version personnelle aboutie, et ainsi dépasser ma frustration musicale d’entendre uniquement ce très joli brouillon que Liz trouvait difficile d’assumer. Pour ce duo, il me fallait donc une voix féminine puissante, fantasque, virtuose. Ces mots qualifiant exactement Lorène Aldabra, je lui avais demandé si ça lui disait de faire un duo avec moi. C’était la première idée de duo que j’avais eue, et le casting était évident puisque Lorène est elizabethfraseresque, en un peu plus bad girl peut-être. Elle m’avait donné son accord de principe avant même de savoir de quoi il s’agissait. Lorène n’enregistre jamais de reprises et a priori n’a pas un univers esthétiquement très proche du mien. Et le résultat de sa prise de voix, totalement intuitif et spontané, est vraiment à la hauteur du talent qu’on lui connaît. Merci beaucoup à elle, elle a placé la barre très haut, et c’est une fierté d’avoir mon duo avec Lorène Aldabra. Son projet musical personnel, The Glitter Manifesto, décliné pour l’instant en deux fantastiques EP pop electro, continue de se développer et, d’après une récente publication sur sa page FB, on peut s’attendre probablement à un troisième EP pour 2017 ! On sera là au prochain concert en tout cas.
Vous pouvez trouver le morceau sur Bandcamp et Soundcloud.
E.C.