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7 idées reçues sur la distribution digitale

J’ai commencé l’aventure de la distribution digitale il y a 10 ans, en tant que musicien tout d’abord. Et mes idées préconçues, et parfois même les illusions entretenues par les distributeurs eux-mêmes, ont été grandement révisées. Ce qui motive la rédaction de cet article, c’est à la fois la nécessaire démystification des distributeurs digitaux – ils semblent de prime abord tout puissants – mais aussi leur réhabilitation car tout n’est pas de leur faute quand il y a des soucis.


Un artiste ne peut pas communiquer directement avec une plateforme de streaming, pour distribuer sa musique ou faire sa promotion.
-> VRAI… pour le commun des mortels


Pour avoir sa musique sur Spotify, Deezer, Beatport et consorts, un artiste doit passer par une structure qui sert de relais, un distributeur digital. Ce dernier peut être une structure indépendante, donc ouverte publiquement à tous les artistes, ou un service interne des majors elles-mêmes. Il y a donc toujours un intermédiaire.
Sauf dans un cas : Spotify Studios, dans de très petites proportions, traite avec des artistes indépendants directement.
De rares élus peuvent distribuer leur musique directement avec Spotify, qui les met également en lumière avec des petites communications sur leurs réseaux sociaux et des podcasts. Malgré les contrats de licence que Spotify Studios fait signer à des artistes depuis 2019, cette relation n’est pas similaire à celle qu’aurait un artiste avec un label, car Spotify n’investit pas d’argent dans ces artistes et utilise uniquement son réseau pour offrir de la visibilité. En outre, il est difficile d’imaginer Spotify chercher à marcher sur les plates bandes des monstres que sont Universal, Sony et Warner, qui sont plus intéressants en tant que partenaire plutôt qu’en tant que concurrents.


C’est parce que les artistes connus font des millions d’écoutes que les majors gagnent beaucoup d’argent avec le streaming.
-> FAUX… c’est peut-être même l’inverse


Gardons l’exemple de Spotify, qui est la plus grosse plateforme d’écoute en streaming. Spotify a en effet une relation particulière, privilégiée, avec les majors (Universal, Sony, et Warner). Avec des institutions de cette taille, c’est plutôt Spotify le client et non l’inverse. Spotify paye très cher (contrats annuels) les droits pour avoir la musique des majors sur sa plateforme : on parle ici d’avance, car les majors perçoivent l’argent du streaming avant même ces écoutes (des dizaines de millions de dollars – exactement le même montant pour chacune, pas de jalouse). Ce ne sont donc pas les majors qui payent pour avoir des streams, c’est l’inverse : Spotify paye ce que les majors veulent, même si les streams n’étaient pas au rendez-vous. Estimation prédictive ou chantage (hold-up) ?
Gros problème : que se passe-t-il si l’avance excède ce qui aurait dû être payé en fonction du nombre de streams réels ? Soit les chiffres officiels des écoutes sont artificiellement gonflés pour être proportionnels à cette avance (qu’on imagine plus optimiste que pessimiste, hein) ; soit les chiffres officiels sont réels et donc la valeur de rémunération au pro-rata des streams est supérieure à celle appliquée pour « les gens normaux ». Circulez, y’a rien à voir : on nous répondra que l’avance était calculée pile poil car chez Spotify il y a des mediums. Tous les chiffres sont top secret de toute façon.


Spotify est transparent sur la rémunération des streams. On peut donc simplement calculer quel montant de gains streaming on va toucher avec une simple multiplication.
-> FAUX !


Tous les chiffres sont top secret, même les chiffres de rémunération par stream. Il faut compter sur des suppositions, ou des tableaux de calculs savamment déduits. A l’heure actuelle, on sait donc que la durée d’écoute, le pays où sont réalisés les lectures, et le statut de client de l’auditeur (payant ou pas) ont une influence sur cette rémunération. Il y a quelques années, on voyait traîner des montants fixes, autour de 0,004 euros par stream. Aujourd’hui, on est davantage sur du 0,002 en moyenne. La faute aux majors (et grands labels hors-majors) qui négocient des streams à plus cher (voir idée reçue précédente), rééquilibrés par des streams à moins cher pour les indépendants sans argument pour se défendre car trop petits.


Les distributeurs digitaux sont en relation directe avec les plateformes de streaming.
-> FAUX
, mais c’est tout comme


Entre les distributeurs digitaux et les plateformes de streaming, il y a un autre acteur : la société d’édition musicale en charge de la gestion des droits en matière de distribution digitale. Ces structures sont responsables de la transmission des fichiers aux plateformes de streaming, du comptage des lectures, et de la récupération des gains générés par la distribution digitale. Tout ce qui peut se compter, ils le comptent. C’est un travail que les distributeurs digitaux n’ont pas l’habitude d’exécuter seuls, ils doivent faire appel à des interlocuteurs qui sont des experts en gestion des données.
C’est la raison pour laquelle The Queen Is Dead Records ne propose pas 100% des gains de streaming aux artistes, mais seulement 80% au maximum. Dans les 20% restants, 8% sont attribués à The Queen Is Dead Records, et 12% à cet autre acteur (qui sous-traite peut-être lui-même certaines prestations).
Dès qu’il y a un besoin, un problème à résoudre, ce gestionnaire de droits transmet les messages directement aux plateformes de streaming visées. Ce qui est très pratique : comme un assistant, il peut batailler et relancer l’interlocuteur pour ensuite revenir vers le distributeur digital seulement quand il a réussi à obtenir une réponse, ou une résolution du problème. Cet acteur permet donc de soulager le distributeur digital en allégeant sa to-do list. Il y a donc ici une véritable chaîne professionnelle, chacun acteur ayant sa propre valeur ajoutée.


La distribution digitale, c’est un travail très difficile.
-> FAUX !


Tout dépend de la manière de concevoir cette mission. Si l’on résume, un distributeur digital n’est qu’un achemineur, un point de passage de votre musique entre vous et les plateformes de streaming. Certes, c’est le premier interlocuteur, le premier pas vers une distribution numérique mondiale, mais les routes vers les plateformes de streaming sont déjà tissées et toujours les mêmes. Faire suivre des fichiers, c’est facile et rapide. La distribution digitale de The Queen Is Dead Records a un peu plus d’ambition que ça : avec un regard artistique et technique sur les œuvres qui me sont confiées, que j’écoute et que je mesure, je permets aux artistes d’assurer une belle sortie : conseils sur le visuel, suggestions de corrections au mixage, ou actions correctives qui soignent des petits défauts de morceaux presque parfaits mais pas tout à fait. Un distributeur digital avec une oreille, ça n’existait pas, il fallait donc l’inventer.
La distribution digitale n’est donc pas mécaniquement difficile une fois que toutes les procédures sont en place. Ce sont éventuellement les erreurs humaines ou informatiques qui sont à l’origine d’anomalies et peuvent faire suer le distributeur digital qui doit ramer pour les faire corriger.


S’il y a un problème avec la sortie d’une musique sur les plateformes de streaming (attribution de sortie au mauvais artiste, erreur dans le nom de l’artiste), c’est forcément la faute du distributeur digital.
-> FAUX !


Les distributeurs digitaux peuvent se faire « piéger » par les incompétences systémiques des plateformes de streaming : il y a des erreurs presque impossibles à éviter à cause du mode de (dys)fonctionnement des plateformes de streaming. Il arrive qu’un artiste qui sort un premier single porte un nom déjà utilisé par un autre artiste. Alors on demande la création d’une nouvelle entrée d’artiste, au même nom mais qui lui sera attribuée à lui spécifiquement, pour éviter que la sortie n’arrive chez l’autre artiste qui était là avant. Dans ces situations, Spotify, Apple Music et Deezer se prennent beaucoup les pieds dans le tapis car ils compensent le gigantesque flux de demandes par des automatisations informatiques imprécises (algorithmes bancals et inintelligences artificielles).
Dernièrement, malgré ma demande explicite de créer une nouvelle entrée artiste, Apple Music a réussi à glisser un album de ShanJ chez Shan-j. Le trait d’union ? Pas vu. La majuscule pour le J ? Pas prise en compte. Ma demande de création de nouvelle entrée artiste ? Oups. Heureusement qu’on peut rattraper le coup après quand même, en envoyant une réclamation qui sera traitée par… des humains. Ah, c’était là qu’ils étaient, tous planqués au SAV ! Et ça a été donc corrigé. D’ailleurs : https://www.tqidr.com/sable
Toutefois, tous les distributeurs digitaux ne se battront pas avec la même vigueur pour la résolution du problème. La patience de The Queen Is Dead Records est sans limite : s’il faut relancer 20 fois, ce sera fait sans sourciller.


Si un distributeur digital me dit que quelque chose est impossible ou obligatoire, alors tous les autres distributeurs digitaux ont les mêmes limites et règles.
-> FAUX !


Chaque distributeur digital a ses propres règles, ses possibilités, ses impossibilités, ses obligations, ses services : mettre à jour le nom de l’artiste sur les plateformes de streaming, changer le fichier audio d’un titre présent sur un album déjà sorti, demander la création d’une entrée à votre nom d’artiste si votre album est arrivé chez votre homonyme… Tous les distributeurs ne sont pas tous issus du même moule, même si en apparence on pourrait parfois en confondre certains, tant leur branding est similaire. Il y a des points qui dépendent des distributeurs digitaux, mais aussi des règles dictées par les plateformes de streaming. Vous ne pourrez les comprendre que par déduction, en constatant la même limitation pour tous les distributeurs digitaux. Si un seul distributeur vous indique que quelque chose est possible, c’est alors qu’il ne s’agit pas exactement de limitations posées par les plateformes de streaming, mais d’une politique de service propre à chaque distributeur digital. Tous n’ont pas le même sens du service et la même résistance à l’effort.
Si vous avez un problème avec une sortie et que vous voulez le résoudre, vous auriez peut-être pu l’éviter avec un autre distributeur, mais pas sûr ! Et peut-être que le vôtre pourra quand même vous aider avec une correction rapide et efficace, ou peut-être que vous n’aurez pas de réponse, ou juste un « sorry we can’t help you » désengagé, désincarné. Tous les distributeurs n’ont pas un support actif et réactif, mais vous ne le saurez qu’une fois que vous serez dans la m€rde.
Les possibilités des distributeurs peuvent aussi évoluer, et ils peuvent proposer des choses qui n’étaient jadis pas possibles : obtenir des liens pour les presaves, distribuer de la musique sur Beatport… L’idéal est de bien lire toutes les informations sur le site, la FAQ et les conditions générales de vente/service. Ce n’est qu’après ces lectures que vous saurez, ou sentirez (croyez votre intuition) où il ne faut pas aller.


Aucune certitude n’est possible, il faut donc expérimenter pour savoir de quoi votre distributeur digital sera capable, tant au niveau des actions (efficacité) que du discours (transparence). Là où votre distributeur digital fera la différence, c’est plus dans sa capacité à corriger les problèmes que sa capacité à les éviter, car les erreurs arrivent forcément un jour et n’épargnent aucun distributeur digital. Enfin, si vous souhaitez une sortie impeccable dès le Jour J de la sortie, anticipez ! Si vous vous y prenez tôt, il y aura toujours la possibilité de corriger toutes les anomalies dans les coulisses avant la date de mise en ligne de votre musique. Et, en plus, vous y prendre à l’avance vous permettra d’organiser des pre-saves. Mais je ne suis pas votre père et vous n’êtes pas des enfants, je ne vais pas vous sermonner plus longtemps. Toutefois, un petit dernier pour la route : ANTICIPEZ !

L.A






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