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Achat de faux streams : vouloir aller plus vite vous emmènera ailleurs au final

Dans un précédent article, je vous avais déjà parlé du problème des playlists Spotify payantes pour les musiciens. Il y a d’autres moyens que ceux-là, ni efficace ni légaux. Parmi ces autres moyens, il n’y a PAS l’achat de streams.


1. Référencement Google

« Concentrez-vous sur votre musique et non le marketing » : le piège sur-mesure pour les musiciens indépendants !


Ce compte Facebook, qui n’a en réalité rien à voir avec du référencement Google (euh… pardon ?), a attiré mon attention il y a quelques mois déjà. En voyant ses posts sponsorisés (en un mot : pubs) (pas le lieu où l’on boit de la bière), je ricanais et puis passait mon chemin. Il y a quelques jours, pour me distraire, j’ai voulu lire les commentaires. Et là, je n’ai pas ri du tout. Ça mordait à l’hameçon. Hameçon grotesque, certes, mais peut-être pas suffisamment pour les non-initiés.
Le premier problème, c’est le nom en façade, la marque « Référencement Google » qui n’a absolument aucun lien avec Google. Sans détour, on peut parler d’usurpation d’identité, de contrefaçon, d’arnaque. Le site en lien dans l’onglet « à propos » est https://seorankhigher.net/ qui mène à un site qui se prétend omnipotent en matière de « promotion ». Et qui n’a rien à voir avec Google.
Cette « entreprise » vous vend des streams « naturels », c’est-à-dire « organiques ». Donc des vrais gens qui lancent des vraies lectures sur Spotify. On imagine alors qu’il s’agit de véritables campagnes promotionnelles, avec des pubs ciblées pour donner envie d’écouter votre musique. Spoiler : vous ne verrez jamais ces publicités car elles n’existent pas car il n’y a rien d’organique.


2. Les paillettes de la page d’accueil absentes des CGV

Un beau site avec des beaux schémas complexes donc impressionnants. Je suis conquis.


« Référencement Local, Réputation Management, Référencement Et Création De Liens, Campagne Sponsorisée, Réseaux Sociaux, Acquisition Trafic Ciblé. »
Wow, tous ces termes techniques me font penser que le mec s’y connaît bien, c’est un pro ! En plus, au fil de mon exploration du site, je vois dans le coin en bas à gauche que des gens ont payé pour avoir des streams. Si d’autres ont acheté, c’est donc que c’est réglo (je suis naïf exprès, hein). Moi, je n’y connais rien, donc je vais voir les Conditions Générales de Vente pour essayer de comprendre un peu mieux la « vibe » du site.
Lire les CGV, c’est le réflexe à avoir. Tout le monde le sait, mais en vrai qui le fait ? La plupart du temps, quand on a confiance en une marque, et qu’on paye pour quelque chose que l’on connaît, on ne lit pas ces petites lignes en bas des contrats. Ok. Mais si vous vous risquez à donner de l’argent à une entreprise inconnue au bataillon, qui n’a pas pignon sur rue, il vaudrait mieux savoir où l’on met les pieds. On peut aimer prendre des risques, mais c’est mieux quand ce sont des risques calculés, non ? Ne lisez pas les CGV après que le conflit n’éclate pour comprendre à quel point vous avez été entubés. Lisez-le avant. Ça prend autant de temps qu’après. Allez.
Trêve de plaisanteries, on plonge dedans.


3. « SeoRankHigher ne peut être tenu responsable de tout dommage que vous ou votre entreprise pourriez subir. »

« Avertissement », petite image avec les gants de boxe : LA BAGARRE.


Ah oui, je comprends. Acheter des faux avis est illégal. Vous risquez de devoir payer une amende. Ce serait un sacré dommage. Pourtant, on peut lire ceci sur le site :
« Obtenez des avis positifs sur Google pour améliorer votre crédibilité, votre réputation et votre visibilité. Obtenez un meilleur référencement local avec notre service ! Nous pouvons vous aider à obtenir des évaluations 5 étoiles de la part de vrais profils afin que vous puissiez concurrencer d’autres entreprises dans votre ville ou votre village. Nos services sont abordables pour tous les budgets ! »
Si vous avez peu ou pas de clients, comment un organisme tiers pourrait-il obtenir de la part de « vrais profils » des avis qui seraient légitimes ?
De plus, acheter des faux streams est illégal. Vous risquez de voir votre musique supprimée de Spotify, et votre compte artiste supprimé. Pour sûr, ça serait un sacré dommage que votre entreprise pourrait subir ! Mais, acheter des faux streams, c’est exactement ce qui est mis en avant dans cette publicité sur Facebook. Aïe !


4. « Service Spotify/Musique : Le service est une promotion naturelle de votre titre/album ce qui vous apporte des streams de manière progressive et naturel. »

On vous livre des streams. Un arrière-goût de commerce triangulaire !


Alors ça, par contre, je ne comprends pas. On nous annonce « rapidement des milliers de streams » : alors comment ça « progressive et naturelLE » ? (Argl l’orthographe)
De plus, notre ami « Référencement Google » nous confirme fièrement des « livraisons du jour », avec du 27K, c’est-à-dire 27 000 streams qui arrivent d’un coup. Ok, donc notre ami livre des streams comme IKEA livrerait des chaises : il les pose comme ça chez Spotify, ces streams ? Ça arrive par camion d’auditeurs ? Combien d’écoutes par auditeur ? Préparez-vous à dire adieu à votre musique sur Spotify si vous payez pour cette arnaque.
« We use a lot of Marketing technique to help you gain more trafic and more conversion on your website by pushing it thru a whole network and also with Ads. »
Traduction : « on fait plein de trucs compliqués de pros, on va voir un gros réseau de gens qu’on oriente vers votre site ». On vous fait croire que c’est une activité de marketing, avec des publications qui seront vues par une cible définie. Que nenni, il s’agit en réalité de farming : des faux streams qui sont déclenchés par des bots… et détectés par les plateformes streaming.


5. Les faux streams

C’est lui le bot qui écoute la musique contre de l’argent. C’est son travail.


La leçon est simple : évitez les « procédés permettant d’augmenter artificiellement le nombre d’écoutes d’un titre ou d’un album sur les plateformes de musique, dans le but de générer un revenu » (définition du « faux stream » par le CNM).
Pour être comptabilisé, un stream rémunéré est une écoute de plus de 30 secondes. Forcément, si vous récoltez exactement 100 000 écoutes de 31 secondes, le foutage de gueule manifeste saute aux yeux de Spotify. Vous aurez eu vos 100 000 écoutes, contrat honoré par le livreur de streams, bravo et merci à lui. Mais vous allez vite déchanter : si votre compte artiste n’est pas supprimé par Spotify, vous allez être grillés par les acteurs de l’industrie et potentiels partenaires qui comprendront bien que votre morceau à 100 000 écoutes est dopé artificiellement. Quand on fait quelques recherches sur le web et qu’on ne trouve absolument rien sur vous, ce nombre d’écoute est tout simplement un aveu de tricherie. Vos 100 000 écoutes doivent être, en théorie, la conséquence d’une longue période d’activité, d’efforts en marketing/communication, ou alors l’écho d’un buzz clairement identifiable.


D’après le CNM, en France il y a entre 1 et 3 milliards de faux streams chaque année. La chasse à la fraude est totalement lancée. Même si vous faites tourner votre téléphone en repeat sur vos albums, vous pourriez avoir des problèmes : les proportions de fraude ne seraient pas si grande, mais ce type de lectures ne seraient pas considérées comme « naturelles ». Et avoir des grands chiffres, finalement, quelle utilité ? Quel serait le réel gain pour vous s’ils ne représentent pas des vrais auditeurs engagés qui vont réécouter votre musique de temps en temps, venir à vos concerts, acheter votre prochaine sortie, commenter une de vos publications avec enthousiasme, conseiller votre musique à des amis voire écrire un article sur son blog ?
Si vous achetiez 1 milliard d’écoutes, et allez ensuite signer dans une maison de disque, impressionnée par ces chiffres, quel serait le résultat ? Vous allez très vite montrer que vous n’avez pas les reins solides, que vous avez grillé des étapes, que vous n’avez pas de réelle communauté derrière vous. Rupture de contrat, bad buzz, et on vous jettera à la poubelle.
Il n’y a pas de raccourci vers le « succès » car tout raccourci mène en réalité à une autre destination. Soyez patients, respectez les règles. Quelles règles ? Vous les retrouverez toutes dans ce livre de Guilaine Robin (de Guil’s Records).



PS : Merci à Facebook d’avoir bloqué ma publication il y a deux jours, en m’assimilant moi-même à un arnaqueur. En conséquence, j’ai écrit un article bien plus complet et documenté que cette publication initiale.
C’est vrai, les arnaqueurs mettent souvent le hashtag #DangerArnaque dans leurs publications. Encore une preuve qu’il vous faut ne pas dépendre de Facebook et devez exporter votre présence dans un « chez vous », un blog et/ou un site où on vous laissera en paix, où aucun bot-modérateur ne vous empêchera de dénoncer quelque chose en vous accusant du mal dont vous voulez parler.


L.A

2 réflexions au sujet de “Achat de faux streams : vouloir aller plus vite vous emmènera ailleurs au final”

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