Cette année, les reprises du mois sont dédiées aux synthés, aux claviers, aux bidouilles électro qui impliquent aussi peu de guitares/basses que possible. Ce coup-ci, pour la reprise du mois d’avril, Alicia Proton est venue poser sa voix sur un assemblage de pistes enregistrées uniquement avec le Seaboard Rise de Roli, clavier en 5 dimensions.
Il y a quelques années, quand j’habitais en Angleterre, j’ai découvert pas mal de groupes très enthousiasmants. Pas forcément des groupes anglais, mais les gens que je côtoyais là-bas avait une culture différente de mes potes français. Parmi ces artistes, qui ont inspiré déjà d’autres reprises du mois, il y a Best Coast, Daniel Johnston, Ane Brun, Youth Lagoon, the Yeah Yeah Yeahs, Animal Collective, et Beach House. Je suis tout de suite tombé amoureux de « Take Care« , une chanson qui parle d’une promesse d’amour inconditionnel sincère à travers les différents plans de réalité et de temps. Les sonorités kitsches rendent le morceau assez singulier. Des sonorités tout droit sorties d’un rêve, d’un rêve pop (d’ailleurs dans la classification des genres musicaux, on trouve la « dream pop »). Un morceau tellement unique que, lorsque Beach House a refusé à Volkswagen son utilisation pour une publicité, Volkswagen a demandé à Sniffy Dog, une agence de pub qui fait de la musique, de remplacer « Take Care ». Sans aucune délicatesse ni état d’âme, Sniffy Dog a donc totalement plagié la chanson.
Il y a presque 2 ans, Clotilde était venue enregistrer un émouvant « The Drugs Don’t Work » de The Verve plébiscité par la populace. J’ai eu beaucoup de retours positifs, tellement qu’elle est revenue en 2017 pour enregistrer « Undertow » d’Ane Brun, et battre le record du monde de la reprise du mois la plus triste. Une copine à elle, Jeanne, entend cette reprise et me contacte. Elle me présente plusieurs musiciens très cools, à la fois ambitieux et humbles, un cocktail qui fait plaisir à voir. Du coup je veux tous les enregistrer, chacun leur tour.Parmi ces gens talentueux, il y a Alicia Proton. Elle fait partie du duo « Ali et Dam » avec Damien Lorthiois. Pour l’instant leur répertoire est surtout consacré à des reprises, à deux voix et une seule guitare. Dans une formation compacte mais diffusant beaucoup d’énergie, ils interprètent très librement des classiques, en constante communication avec leur public. Ce n’est que le début, ça ne fait que quelques mois qu’ils travaillent ensemble, et pourtant tout semble facile, tout est fluide entre eux. Allez les voir en concert !
La profondeur de la voix d’Alicia me rappelait celle de Victoria Legrand, la chanteuse de Beach House. La grande musicalité d’Alicia (palette riche + intuition) ne connaît aucune barrière, ni physique ni technique. Une prise pour s’échauffer, une prise pour tester des choses, et une troisième prise qui atteint la perfection. Waou. C’est très très fort ce qu’elle a réalisé.
Après les reprises de l’an dernier, je voulais changer de cycle d’exploration. J’avais déjà repéré le Seaboard Rise de Roli, et je l’avais identifié comme étant un outil musical révolutionnaire qui ouvre des nouvelles perspectives de créativité. Le clavier sait exactement où se trouve votre doigt, dans la profondeur de la touche et aussi sur sa longueur et largeur. Un tel quadrillage permet des glissendi impossibles avec un clavier traditionnel, des notes plus vivantes (une justesse presque aléatoire en fonction de la position exacte du doigt) et un grain beaucoup plus organique, au point qu’il est facile de jouer faux pour un pianiste qui jouerait un morceau qu’il connaît pourtant bien. C’est une autre approche qu’un piano, qu’un synthé, c’est un instrument unique. Avec mon Monotron de Korg, c’est l’instrument le plus enthousiasmant que j’ai acquis ces dernières années !
Retrouvez « Take Care » sur Bandcamp et Soundcloud.
E.C.