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Les nouvelles règles en streaming musical : Deezer veut éradiquer la fausse musique, Spotify veut éradiquer les petits artistes.

Le monde du streaming musical connaît un tournant historique en ce moment même. Deezer et Spotify révisent leurs règles de rémunération : Deezer veut éradiquer la fausse musique, Spotify veut éradiquer les petits artistes. Pour le moment, aucune info concrète du côté d’Apple Music, le 3ème géant du streaming.


C’est quoi « la musique » ?

Le marteau est un instrument percussif qui peut aussi servir à planter des clous.


En septembre 2023, Stéphane Rougeot, directeur général adjoint de Deezer, affirmait que ça ne lui semblait « pas équitable de rémunérer le stream d’un artiste de la même manière qu’un stream de bruit de pluie« . Quel hasard, c’est exactement la citation de Robert Kyncl, patron de Warner Music, qui déclarait au printemps dernier qu’il n’était « plus possible qu’une chanson d’Ed Sheeran rapporte autant que le son de la pluie tombant sur un toit ». Ed Sheeran c’est plus fort que la pluie, t’as compris ?
Interprétons la règle sous-jacente. Un enregistrement de pluie, ou de phénomène que l’on pourrait qualifier de naturel, n’est pas considéré comme de la musique car il n’y a pas de « construction » humaine. Même si un vent, par frottement contre une matière, peut produire une note, et être écouté comme de la musique : ça n’en est pas selon la définition de l’industrie musicale. Pour le droit français, une œuvre est originale lorsqu’elle porte « l’empreinte de la personnalité de son auteur ». On ne place pas avec précision les gouttes de pluie, et on ne gère pas l’intensité du flux.
Deezer précise qu’il souhaite démonétiser tous les « bruits non-musicaux », comme par exemple les bruits blancs, parmi lesquels le son d’une cascade, mais aussi tous sons artificiels ne présentant pas de hauteur tonale. Pour des contenus à la musicalité relative voire questionnée, Spotify va juste décaler le seuil de déclenchement de rémunération qui est à 30 secondes d’écoute pour un morceau standard.
A mi-chemin entre Ed Sheeran et une cascade, on a donc la musique atonale expérimentale, qui est une construction humaine avec l’empreinte de la personnalité de son auteur (ah, donc de la musique) à base d’événements sonores généralement considérés comme des bruits (ah, donc pas de la musique). Musique ou pas ? On attendra la réponse de l’industrie musicale.


Les créations avec l’intelligence artificielle

Les I.A. musicales arrivent : elles sont programmer pour terminer votre carrière.


Deezer et Spotify partent en croisade contre les musiques générées par l’intelligence artificielle, ou plutôt avec l’intelligence artificielle. En effet, l’intelligence artificielle n’est pas le sujet-créateur, n’a pas d’intention ni de projet : elle est un outil, et permet à un humain-sujet d’obtenir un résultat qui émane de sa volonté. Une intelligence artificielle n’a aucune volonté propre, elle est au service de l’humain qui l’utilise. On l’a vu plus haut, pour le droit français, une œuvre est originale lorsqu’elle porte « l’empreinte de la personnalité de son auteur ». Une I.A. peut-elle avoir une personnalité ? Nous définirons « personnalité » dans un prochain article.
Avec Boomy, on peut générer de la musique artificielle, et ça n’est pas (encore) sanctionné par les plateformes de streaming en théorie. Seules les voix qui copient des voix de chanteurs connus constituent une fraude. Ok, là on est sur le terrain de l’usurpation d’identité, donc cela semble normal de vouloir empêcher ces abus qui surfent illégitimement sur la renommée d’autres personnes.
En réalité, tout usage d’intelligences artificielles implique l’exploitation d’une base de données alimentée par des contenus organiques qui y sont importés sans consentement des auteurs. Donc, en théorie (et en pratique), toute œuvre issue d’intelligence artificielle est une atteinte au droit d’auteur car elle est une création composite d’éléments n’appartenant de facto pas à l’utilisateur de l’IA. Mais ce n’est qu’un détail dans l’histoire, apparemment.
Est-ce que les algorithmes magiques des cyberpolices des plateformes de streaming musical sont capables de distinguer les voix générées par IA, les voix synthétiques, les imitations, les voix similaires, sans jamais la moindre confusion ? Est-ce qu’une usurpation d’un timbre par IA est plus répréhensible que par un imitateur humain ? Ces questions sont intéressantes, mais la situation est (pour l’instant) plus simple : tant que ce n’est pas le nom de l’artiste usurpé qui est noté lors de la distribution digitale, tout va bien. La maison de disque doit juste surveiller les sorties de ses artistes pour détecter les faux. C’est pas du boulot d’algorithme sophistiqué, ça.
Jeronimo Folgueira, PDG de Deezer, explique que son but est notamment de « développer un nouveau système de rémunération où les artistes professionnels sont récompensés pour la création de contenus de valeur. C’est pourquoi nous avons développé des outils pour détecter les contenus générés par des I.A. ».
On comprend que limiter les musiques générées par I.A. permet d’éviter aux musiques crées « organiquement » d’être diluées. En outre, il est intéressant de noter que Deezer considère que la musique est un contenu de valeur quand elle est créée par des humains (ce qui est une vision très humaniste qui n’accorderait donc pas le pouvoir d’évaluation au consommateur qui pourrait très bien aimer quelque chose de totalement créé par I.A.). Spotify est du même avis… à une nuance près.


Pour Spotify, certains artistes ne valent rien

Spotify : le ruissellement sélectif.


La nouvelle grande règle de Deezer, c’est de limiter un utilisateur à 1000 écoutes par mois par artiste. Bon, ça semble honnête. Ça vous paraîtrait faisable, vous, d’écouter 1000 titres d’un seul artiste par mois ? Seul un fanatique serait capable de se farcir 30 titres par jour maximum. En même temps, ce sont les fanatiques qui sont les auditeurs les plus engagés. Ils achèteront les albums et iront au concert, ça ira.
Ce qui pose souci, c’est le double barème : les artistes qui obtiendront plus de 1000 écoutes et plus de 500 auditeurs uniques par mois auront un meilleur taux de rémunération par stream que les autres. Plus on en a, plus on en a. Mais Spotify fait pire. L’argumente. Le revendique.
Dans un article de blog qui semble improbable, Spotify explique que des dizaines de millions de titres sur leur plateforme ne rapporte que quelques mini-centimes. Les distributeurs digitaux et labels ne reversent pas mensuellement ces sommes microscopiques aux artistes, et attendent d’atteindre un pallier de plusieurs dollars/euros. Spotify considère que ces sommes ne comptent pas et prétend qu’elles sont négligeables et négligées : « this money often doesn’t reach the uploaders (…) these small payments are often forgotten about ». Selon Spotify, cet argent ne revient pas souvent aux artistes, ces petits paiements sont oubliés. Littéralement : puisque personne ne réclame son dû, autant ne jamais le leur accorder. Un dû oublié n’est plus un dû. Hallucinant.
La réalité du terrain est très différente : bien sûr, il y a des artistes absolument désengagés qui font 2 écoutes par mois (eux-mêmes) et qui n’investissent ni temps, ni argent, ni effort pour promouvoir leur musique (tout juste s’ils savent que les streams rapportent de l’argent). Mais il y a aussi les petits artistes indépendants qui comptent sur ces petites sommes, car les petits ruisseaux font les grandes rivières. On n’en est pas à des océans, certes, mais réussir à obtenir 20 euros en quelques années représente tout de même un juste retour car cet argent n’est pas volé, il est issu d’une logique juste de rétribution en fonction des écoutes réelles (plus ou moins, car les chiffres sont et ont toujours été douteux, mais on est obligé de les croire). Estimer que, selon les circonstances, ces écoutes légitimes ne valent aucune rémunération est juste scandaleux.
Spotify minimise jusqu’à la légitimité de ces montants dus, et estime que leur total de 40 millions de dollars (l’intégralité de ces quelques centimes pas reversés aux petits artistes) pourrait plutôt servir aux artistes « qui sont le plus dépendant de leurs revenus de streaming« , euthanasiant économiquement les plus petits des artistes.


La réaction avec The Queen Is Dead Records

C’est l’heure de la rébellion.


Plutôt que rester sur une simple réaction d’indignation, avec un discours victimaire qui n’apporterait rien de bon ni d’utile (« Spotify est méchant, c’est affreux, qu’est-ce qu’on va devenir ? »), il faut prendre ces changement du bon côté : si vous ne faites rien pour votre musique, vous allez laisser Spotify l’évaluer. 0 € / $ / £. Si ce tarif vous dérange, vous avez le droit de protester. C’est l’occasion pour tous les artistes indépendants de se rebeller, et d’aller se battre pour sa musique (et non pas contre Spotify) :
– obtenez les 1000 streams, en vous concentrant sur un morceau spécifique dans vos opérations de promotion
– ne restez pas dépendants de Spotify, libérez-vous du streaming et créez un Bandcamp et un site web qui favorisent le lien direct entre auditeur et artiste
– ne restez pas dépendants du numérique, faites du physique (CD, clé USB, vinyle…) et vendez-le lors de vos concerts (rémunérés, par pitié)
– « éduquez » (c’est un mot un peu fort qui fait un peu stalinien) votre public en lui expliquant que sa manière de consommer de la musique a des conséquences sur l’économie au sens large autant que sur les musiciens
– si vous êtes un artiste distribué par The Queen Is Dead Records, écoutez et partagez la playlist de Distribution-TQIDr avec tous les artistes distribués par TQIDr pour faire valoir des valeurs de solidarités, et aider tout le monde à atteindre 3 écoutes par jour par morceau (largement faisable).

Deux points importants :
– Ne cédez pas à l’achat de streams, car ce serait une grave erreur. Ne payez pas non plus pour intégrer une playlist. Travaillez plutôt en vous basant sur les enseignements de Guil’s Records.
– The Queen Is Dead Records est en développement constant pour apporter soutien, explications et solutions aux artistes indépendants. Toute suggestion qui pourrait être une nouvelle inspiration sera la bienvenue, envoyez vos idées à laurent.auffret@tqidr.com

Pour plus d’informations, je vous invite à consulter l’article de Guil’s Records qui propose analyse et solutions :
« Nouveaux modèles de rémunération du streaming chez Spotify : ce qui vous attend »


L.A

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Que peut faire The Queen Is Dead Records pour moi ?

Dans quelques semaines aura lieu la JIMI 2023. La Journée des Initiatives Musicales Indépendantes est un rassemblement annuel de différents acteurs du monde musical indé, parmi lesquels vous trouverez labels, studios, radios, graphistes, tourneurs, producteurs, managers… Tout l’écosystème de la musique indé y est représenté, sans exception. Vous y verrez même Léa Jacta Est, une célébrité de l’underground, qui aura un stand pour présenter son travail sur son fanzine et son engagement qui dépasse le cadre de l’indépendance.
La première fois que The Queen Is Dead Records a eu un stand, c’était en 2018. Martin Lemoine et votre serviteur, assis à une table, prenaient alors un premier bain de vibes indé. Et puis on y est retourné en 2019, pas en 2020 à cause du Covid, en 2021 et en 2022. Cet événement automnal marque véritablement l’année, c’est un moment qu’on attend avec impatience car c’est l’occasion pour nous de VOUS rencontrer (et réciproquement), en chair et en os. Tout au long de l’année, j’ai beaucoup d’échanges avec des artistes par mail, via le site, les réseaux sociaux, et mettre un pied dehors est une vraie bouffée d’air frais !
A la JIMI, il y a les musiciens qui racontent leur histoire, leurs difficultés, leurs ambitions. Et c’est toujours passionnant à écouter. Ils ont des projets plein la tête, parfois plein les mains avec des démos très prometteuses ou des EP très pro. C’est d’ailleurs là que j’ai fait la rencontre de Kévin Mermin, de The Burmese Days, avec qui on a vécu une véritable épopée (singles, albums…)!
Afin de vous aider à mieux préparer votre venue à notre stand, et également pour présenter à tous les lecteurs qui passeraient par ce blog, voici les différentes étapes de la chronologie de production pour lesquelles The Queen Is Dead Records peut vous aider.

Version 2023 de la carte de visite de TQIDr.



1. « Je ne joue d’aucun instrument, je veux faire de la musique. »


Si vous souhaitez apprendre le piano, la guitare ou le chant, il y a 3 solutions :
– on peut avoir un cours en présentiel à l’adresse de The Queen Is Dead Records (Colombes pour l’instant, un déménagement est prévu dans quelques mois),
– on peut avoir cours sur Skype
– vous pouvez trouver un professeur grâce à Anacours Musique ou un autre établissement du genre
Dans tous les cas, des facilités de règlement existent (paiement CESU, crédit d’impôt, avance immédiate…).



2. « Je fais de la musique, je veux composer et écrire. »


Vous avez appris quelques morceaux, vous avez quelques connaissances techniques, mais vous manquez de pistes pour composer vos propres morceaux et écrire vos textes. Mes conseils pour trouver votre propre identité artistique :
copiez vos modèles, les artistes qui vous font le plus vibrer
copiez les meilleurs, ceux qui font une relative unanimité dans leur domaine
A travers ce travail d’imitation, vous allez vous approprier des techniques, les intégrer à votre palette, conserver des éléments qui vous plaisent, et laisser tomber les pistes qui ne vous intéressent pas. Toutefois, ne laissez pas tomber ce qui vous semble inutile ou pénible à travailler (au contraire !). Toutes les techniques sont intéressantes à travailler car elles participent à votre progression globale et peuvent influencer positivement votre niveau général. Si vous manquez d’autodiscipline, ou avez tout simplement besoin d’accompagnement, vous pouvez appliquer la solution du point précédent (des cours).



3. « J’ai composé des morceaux sur mon instrument, je veux les enregistrer. »


Vous commencez à avoir un certain nombre de morceaux qui vous plaisent, il est temps de leur donner corps. The Queen Is Dead Records vous ouvre ses portes, et met à sa disposition tout son matériel. Si vous êtes mono-instrumentiste, je vous apporterai tous les instruments complémentaires nécessaires. Si vous êtes multi-instrumentiste, vous pourrez enregistrer tous les instruments vous-mêmes. Toutefois, si vous jouez en groupe, les batteurs devront enregistrer ailleurs (générant une facturation auprès d’une autre structure). Il y a aussi l’alternative du format MIDI pour les instruments difficiles à enregistrer.



4. « J’ai enregistré mes morceaux, ils n’ont pas une qualité suffisante. »


Vous avez tenté de produire votre musique vous-même mais ça ne sonne pas aussi bien que vous le souhaitez. Vous pouvez envoyer à The Queen Is Dead Records les pistes que vous avez enregistrées. Nous verrons ensemble non seulement la qualité de ces pistes individuelles (si les instruments ont été suffisamment bien exécutés, enregistrés avec une bonne technique) mais aussi l’équilibre des arrangements de vos morceaux (s’il faut retirer, ajouter, refaire un instrument).
Mon objectif est d’intervenir le moins possible dans le fond de votre musique :
conserver le maximum de vos enregistrements (éventuellement de les traiter pour les bonifier ou en corriger les imperfections gênantes)
ajouter aussi peu de nouvelles pistes que possible.
Une fois que tous ces points auront été passés en revue, le mixage que je réaliserai pourra donner naissance à de beaux morceaux.



5. « J’ai enregistré mes morceaux, le mixage est fini, je veux les masteriser. »


Mon approche du mastering est collaborative : je ne vous impose pas un résultat, on en discute pour que vous compreniez ce qui est possible, et ce qui est préférable. La pédagogie est nécessaire quand on vend un service souvent mal compris, impliquant des normes pas toujours mesurables par le demandeur. Avant de commencer le mastering, j’analyse vos fichiers pour savoir quelles modifications doivent être opérées au mixage, et ensuite je vous propose des résultats qui vous serviront à comprendre quelles forces vous voulez mettre en valeur et quelles faiblesses doivent être corrigées ou camouflées. Si vous n’avez pas la main sur le mixage, je ferai de mon mieux pour corriger les anomalies, avec un peu d’expérience on peut parfois réaliser des petits miracles. Toute la méthodologie est présentée ici. Si vous doutez de la nécessité de l’étape du mastering, je vous explique tout dans cet article.



6. « La production de ma musique est terminée, je veux la distribuer sur les plateformes de streaming. »


The Queen Is Dead Records est aussi le premier distributeur digital français artisanal. Outre les tarifs attractifs (un paiement unique, pas d’abonnement), la distribution digitale à échelle humaine de The Queen Is Dead Records est très utile pour ceux qui ont besoin d’une évaluation de leur musique par quelqu’un d’extérieur à leur environnement. Votre musique sera toujours écoutée avant distribution vers les plateformes de streaming :
– recommandations de retouches au mixage
– service de mastering à prix avantageux
– conseils à propos du visuel accompagnant la sortie
– réponses à vos questions sur le monde du streaming…
Vous voilà rassurés, sereins, avec une sortie de qualité optimale ! En option, vous avez aussi des Pages ARTISTE, des Pages SORTIE/PRESAVE, et même la possibilité d’avoir une présence sur Beatport (si vous faites de la musique électro), avec ou sans label.



7. « La production de ma musique est terminée, je veux la promouvoir. »


Votre musique est prête à être vendue, défendue et promue, vous avez deux options : trouver un label qui se charge de cette partie, ou vous en occuper vous-mêmes. Pour les aspects marketing/communication, The Queen Is Dead Records s’implique uniquement avec des productions réalisées par The Queen Is Dead Records (publications sur les réseaux, teasers, clips vidéo…), et attend que les artistes s’investissent tout autant.
The Queen Is Dead Records est un label indépendant pour artistes indépendants, ce qui signifie que les artistes accompagnés sont aiguillés pour rester indépendants et libres. Nous n’avons pas la voilure pour effectuer un travail de réseautage pour des placements dans des lieux de concert, la spécialité ici est plutôt la production et la recherche artistique, ainsi que la distribution digitale. Mais la philosophie de The Queen Is Dead Records est d’apporter des solutions, des pistes et des réponses à chaque problématique.
Les artistes indépendants prêts à faire les efforts eux-mêmes ont parfois seulement besoin d’informations pour obtenir ce qu’ils souhaitent.
Pour les sujets qui ne sont pas couverts par The Queen Is Dead Records (promotion/marketing/communication/booking), je vous recommande ma camarade Guilaine Robin, qui est la meilleure guide dans le domaine.
Ses livres sont de véritables mines d’or. Elle vend des formations, certes, mais ses contenus gratuits sur YouTube sont également très très instructifs.



Pour en savoir plus :
Lettre ouverte aux musiciens qui rêvent de succès
Comment et pourquoi rejoindre The Queen Is Dead Records ?
L’artiste indépendant : définition et enjeux philosophiques
Label indépendant pour artistes indépendants : seuls contre tous ? – Une explication brève et réaliste de l’économie musicale actuelle
Label indépendant : fantasme d’une posture ou vrai rôle ?
Commencer à produire sa musique : les outils nécessaires

L.A

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7 idées reçues sur la distribution digitale

J’ai commencé l’aventure de la distribution digitale il y a 10 ans, en tant que musicien tout d’abord. Et mes idées préconçues, et parfois même les illusions entretenues par les distributeurs eux-mêmes, ont été grandement révisées. Ce qui motive la rédaction de cet article, c’est à la fois la nécessaire démystification des distributeurs digitaux – ils semblent de prime abord tout puissants – mais aussi leur réhabilitation car tout n’est pas de leur faute quand il y a des soucis.


Un artiste ne peut pas communiquer directement avec une plateforme de streaming, pour distribuer sa musique ou faire sa promotion.
-> VRAI… pour le commun des mortels


Pour avoir sa musique sur Spotify, Deezer, Beatport et consorts, un artiste doit passer par une structure qui sert de relais, un distributeur digital. Ce dernier peut être une structure indépendante, donc ouverte publiquement à tous les artistes, ou un service interne des majors elles-mêmes. Il y a donc toujours un intermédiaire.
Sauf dans un cas : Spotify Studios, dans de très petites proportions, traite avec des artistes indépendants directement.
De rares élus peuvent distribuer leur musique directement avec Spotify, qui les met également en lumière avec des petites communications sur leurs réseaux sociaux et des podcasts. Malgré les contrats de licence que Spotify Studios fait signer à des artistes depuis 2019, cette relation n’est pas similaire à celle qu’aurait un artiste avec un label, car Spotify n’investit pas d’argent dans ces artistes et utilise uniquement son réseau pour offrir de la visibilité. En outre, il est difficile d’imaginer Spotify chercher à marcher sur les plates bandes des monstres que sont Universal, Sony et Warner, qui sont plus intéressants en tant que partenaire plutôt qu’en tant que concurrents.


C’est parce que les artistes connus font des millions d’écoutes que les majors gagnent beaucoup d’argent avec le streaming.
-> FAUX… c’est peut-être même l’inverse


Gardons l’exemple de Spotify, qui est la plus grosse plateforme d’écoute en streaming. Spotify a en effet une relation particulière, privilégiée, avec les majors (Universal, Sony, et Warner). Avec des institutions de cette taille, c’est plutôt Spotify le client et non l’inverse. Spotify paye très cher (contrats annuels) les droits pour avoir la musique des majors sur sa plateforme : on parle ici d’avance, car les majors perçoivent l’argent du streaming avant même ces écoutes (des dizaines de millions de dollars – exactement le même montant pour chacune, pas de jalouse). Ce ne sont donc pas les majors qui payent pour avoir des streams, c’est l’inverse : Spotify paye ce que les majors veulent, même si les streams n’étaient pas au rendez-vous. Estimation prédictive ou chantage (hold-up) ?
Gros problème : que se passe-t-il si l’avance excède ce qui aurait dû être payé en fonction du nombre de streams réels ? Soit les chiffres officiels des écoutes sont artificiellement gonflés pour être proportionnels à cette avance (qu’on imagine plus optimiste que pessimiste, hein) ; soit les chiffres officiels sont réels et donc la valeur de rémunération au pro-rata des streams est supérieure à celle appliquée pour « les gens normaux ». Circulez, y’a rien à voir : on nous répondra que l’avance était calculée pile poil car chez Spotify il y a des mediums. Tous les chiffres sont top secret de toute façon.


Spotify est transparent sur la rémunération des streams. On peut donc simplement calculer quel montant de gains streaming on va toucher avec une simple multiplication.
-> FAUX !


Tous les chiffres sont top secret, même les chiffres de rémunération par stream. Il faut compter sur des suppositions, ou des tableaux de calculs savamment déduits. A l’heure actuelle, on sait donc que la durée d’écoute, le pays où sont réalisés les lectures, et le statut de client de l’auditeur (payant ou pas) ont une influence sur cette rémunération. Il y a quelques années, on voyait traîner des montants fixes, autour de 0,004 euros par stream. Aujourd’hui, on est davantage sur du 0,002 en moyenne. La faute aux majors (et grands labels hors-majors) qui négocient des streams à plus cher (voir idée reçue précédente), rééquilibrés par des streams à moins cher pour les indépendants sans argument pour se défendre car trop petits.


Les distributeurs digitaux sont en relation directe avec les plateformes de streaming.
-> FAUX
, mais c’est tout comme


Entre les distributeurs digitaux et les plateformes de streaming, il y a un autre acteur : la société d’édition musicale en charge de la gestion des droits en matière de distribution digitale. Ces structures sont responsables de la transmission des fichiers aux plateformes de streaming, du comptage des lectures, et de la récupération des gains générés par la distribution digitale. Tout ce qui peut se compter, ils le comptent. C’est un travail que les distributeurs digitaux n’ont pas l’habitude d’exécuter seuls, ils doivent faire appel à des interlocuteurs qui sont des experts en gestion des données.
C’est la raison pour laquelle The Queen Is Dead Records ne propose pas 100% des gains de streaming aux artistes, mais seulement 80% au maximum. Dans les 20% restants, 8% sont attribués à The Queen Is Dead Records, et 12% à cet autre acteur (qui sous-traite peut-être lui-même certaines prestations).
Dès qu’il y a un besoin, un problème à résoudre, ce gestionnaire de droits transmet les messages directement aux plateformes de streaming visées. Ce qui est très pratique : comme un assistant, il peut batailler et relancer l’interlocuteur pour ensuite revenir vers le distributeur digital seulement quand il a réussi à obtenir une réponse, ou une résolution du problème. Cet acteur permet donc de soulager le distributeur digital en allégeant sa to-do list. Il y a donc ici une véritable chaîne professionnelle, chacun acteur ayant sa propre valeur ajoutée.


La distribution digitale, c’est un travail très difficile.
-> FAUX !


Tout dépend de la manière de concevoir cette mission. Si l’on résume, un distributeur digital n’est qu’un achemineur, un point de passage de votre musique entre vous et les plateformes de streaming. Certes, c’est le premier interlocuteur, le premier pas vers une distribution numérique mondiale, mais les routes vers les plateformes de streaming sont déjà tissées et toujours les mêmes. Faire suivre des fichiers, c’est facile et rapide. La distribution digitale de The Queen Is Dead Records a un peu plus d’ambition que ça : avec un regard artistique et technique sur les œuvres qui me sont confiées, que j’écoute et que je mesure, je permets aux artistes d’assurer une belle sortie : conseils sur le visuel, suggestions de corrections au mixage, ou actions correctives qui soignent des petits défauts de morceaux presque parfaits mais pas tout à fait. Un distributeur digital avec une oreille, ça n’existait pas, il fallait donc l’inventer.
La distribution digitale n’est donc pas mécaniquement difficile une fois que toutes les procédures sont en place. Ce sont éventuellement les erreurs humaines ou informatiques qui sont à l’origine d’anomalies et peuvent faire suer le distributeur digital qui doit ramer pour les faire corriger.


S’il y a un problème avec la sortie d’une musique sur les plateformes de streaming (attribution de sortie au mauvais artiste, erreur dans le nom de l’artiste), c’est forcément la faute du distributeur digital.
-> FAUX !


Les distributeurs digitaux peuvent se faire « piéger » par les incompétences systémiques des plateformes de streaming : il y a des erreurs presque impossibles à éviter à cause du mode de (dys)fonctionnement des plateformes de streaming. Il arrive qu’un artiste qui sort un premier single porte un nom déjà utilisé par un autre artiste. Alors on demande la création d’une nouvelle entrée d’artiste, au même nom mais qui lui sera attribuée à lui spécifiquement, pour éviter que la sortie n’arrive chez l’autre artiste qui était là avant. Dans ces situations, Spotify, Apple Music et Deezer se prennent beaucoup les pieds dans le tapis car ils compensent le gigantesque flux de demandes par des automatisations informatiques imprécises (algorithmes bancals et inintelligences artificielles).
Dernièrement, malgré ma demande explicite de créer une nouvelle entrée artiste, Apple Music a réussi à glisser un album de ShanJ chez Shan-j. Le trait d’union ? Pas vu. La majuscule pour le J ? Pas prise en compte. Ma demande de création de nouvelle entrée artiste ? Oups. Heureusement qu’on peut rattraper le coup après quand même, en envoyant une réclamation qui sera traitée par… des humains. Ah, c’était là qu’ils étaient, tous planqués au SAV ! Et ça a été donc corrigé. D’ailleurs : https://www.tqidr.com/sable
Toutefois, tous les distributeurs digitaux ne se battront pas avec la même vigueur pour la résolution du problème. La patience de The Queen Is Dead Records est sans limite : s’il faut relancer 20 fois, ce sera fait sans sourciller.


Si un distributeur digital me dit que quelque chose est impossible ou obligatoire, alors tous les autres distributeurs digitaux ont les mêmes limites et règles.
-> FAUX !


Chaque distributeur digital a ses propres règles, ses possibilités, ses impossibilités, ses obligations, ses services : mettre à jour le nom de l’artiste sur les plateformes de streaming, changer le fichier audio d’un titre présent sur un album déjà sorti, demander la création d’une entrée à votre nom d’artiste si votre album est arrivé chez votre homonyme… Tous les distributeurs ne sont pas tous issus du même moule, même si en apparence on pourrait parfois en confondre certains, tant leur branding est similaire. Il y a des points qui dépendent des distributeurs digitaux, mais aussi des règles dictées par les plateformes de streaming. Vous ne pourrez les comprendre que par déduction, en constatant la même limitation pour tous les distributeurs digitaux. Si un seul distributeur vous indique que quelque chose est possible, c’est alors qu’il ne s’agit pas exactement de limitations posées par les plateformes de streaming, mais d’une politique de service propre à chaque distributeur digital. Tous n’ont pas le même sens du service et la même résistance à l’effort.
Si vous avez un problème avec une sortie et que vous voulez le résoudre, vous auriez peut-être pu l’éviter avec un autre distributeur, mais pas sûr ! Et peut-être que le vôtre pourra quand même vous aider avec une correction rapide et efficace, ou peut-être que vous n’aurez pas de réponse, ou juste un « sorry we can’t help you » désengagé, désincarné. Tous les distributeurs n’ont pas un support actif et réactif, mais vous ne le saurez qu’une fois que vous serez dans la m€rde.
Les possibilités des distributeurs peuvent aussi évoluer, et ils peuvent proposer des choses qui n’étaient jadis pas possibles : obtenir des liens pour les presaves, distribuer de la musique sur Beatport… L’idéal est de bien lire toutes les informations sur le site, la FAQ et les conditions générales de vente/service. Ce n’est qu’après ces lectures que vous saurez, ou sentirez (croyez votre intuition) où il ne faut pas aller.


Aucune certitude n’est possible, il faut donc expérimenter pour savoir de quoi votre distributeur digital sera capable, tant au niveau des actions (efficacité) que du discours (transparence). Là où votre distributeur digital fera la différence, c’est plus dans sa capacité à corriger les problèmes que sa capacité à les éviter, car les erreurs arrivent forcément un jour et n’épargnent aucun distributeur digital. Enfin, si vous souhaitez une sortie impeccable dès le Jour J de la sortie, anticipez ! Si vous vous y prenez tôt, il y aura toujours la possibilité de corriger toutes les anomalies dans les coulisses avant la date de mise en ligne de votre musique. Et, en plus, vous y prendre à l’avance vous permettra d’organiser des pre-saves. Mais je ne suis pas votre père et vous n’êtes pas des enfants, je ne vais pas vous sermonner plus longtemps. Toutefois, un petit dernier pour la route : ANTICIPEZ !

L.A